Le projet Cigéo, destiné au stockage souterrain des déchets nucléaires français, vient d’obtenir une évaluation globalement positive d’un comité d’experts indépendants. Ces spécialistes, mandatés pour examiner les aspects techniques et sécuritaires du projet, ont toutefois mis en avant plusieurs points sensibles nécessitant un complément d’études approfondies. Parmi ces éléments clés figurent le risque potentiel d’une réaction nucléaire en chaîne, la résistance des matériaux de confinement et la gestion spécifique de certains déchets stockés dans du bitume.
Des garanties attendues sur la sûreté nucléaire
La principale inquiétude soulevée concerne la démonstration scientifique qu’aucune réaction nucléaire spontanée ne puisse se produire dans les combustibles irradiés stockés dans les galeries souterraines. Cette démonstration pose un véritable défi technique, les périodes considérées dépassant largement les échelles de temps habituellement étudiées. Le comité d’experts préconise ainsi des tests rigoureux durant la phase pilote initiale de 10 à 15 ans, afin de vérifier concrètement la maîtrise de ces risques.
Un autre point sensible concerne les scellements destinés à isoler hermétiquement les galeries contenant les déchets nucléaires. Le rapport insiste sur l’importance de clarifier davantage le choix de leur nombre, leur positionnement précis, ainsi que leurs performances techniques attendues sur le très long terme. La résistance à la corrosion des équipements métalliques utilisés dans ces infrastructures constitue aussi un enjeu clé, nécessitant des études supplémentaires pour évaluer la durabilité des matériaux ou envisager d’éventuelles solutions alternatives plus fiables.
Préoccupations spécifiques sur les déchets conditionnés
Par ailleurs, l’un des points techniques identifiés concerne la mobilité potentielle du sélénium, un isotope radioactif à vie longue issu de la fission nucléaire, susceptible de migrer lentement à travers la couche d’argile servant de barrière naturelle. Des recherches additionnelles sur les propriétés hydrauliques et géochimiques de cette roche argileuse sont jugées indispensables pour mieux appréhender les risques de diffusion à très long terme. Ces études pourraient impacter les choix techniques définitifs du projet.
De plus, le stockage spécifique de déchets nucléaires conditionnés dans des matrices bitumineuses fait l’objet d’un examen particulièrement attentif. Avec plus de 44 000 conteneurs concernés, le rapport souligne la nécessité d’une meilleure compréhension du comportement chimique et mécanique à long terme de ces déchets. Le comité recommande que des tests spécifiques soient menés lors de la phase initiale pour éviter tout imprévu pouvant compromettre la sécurité future du site.
Vers une décision réglementaire majeure
L’Autorité de Sûreté Nucléaire et de Radioprotection (ASN) prendra en compte ces recommandations techniques pour son propre rapport d’évaluation, attendu d’ici la fin 2026 ou courant 2027. Une enquête publique, programmée en 2026, permettra également d’examiner en détail les réponses apportées par les porteurs du projet Cigéo face aux réserves techniques émises par les experts indépendants.
Les acteurs industriels du nucléaire français suivent avec attention ces développements, compte tenu des implications économiques et techniques potentielles des ajustements exigés. Les recommandations du comité d’experts mettent ainsi en relief les défis techniques majeurs que devra relever Cigéo, sans toutefois remettre directement en cause la viabilité globale du projet à ce stade.