Les cryptomonnaies ont connu en 2020 une progression fulgurante de leur cours, doublant quasiment de valeur en moins d’un an. Ce boom s’explique par la maturité du marché des cryptomonnaies dans un contexte d’affaiblissement économique lié à la pandémie. Cependant, cette progression n’est pas sans conséquence sur le plan énergétique avec une forte hausse de la demande d’électricité. L’accès à l’énergie constituera dès lors un enjeu central pour le développement de ces nouvelles monnaies digitales.
Cryptomonnaies: un secteur en plein boom
Une année 2020 exceptionnelle
L’année 2020 représente une année charnière dans le développement des cryptomonnaies à l’échelle mondiale. Pour la première fois, ces monnaies digitales ont atteint la valeur astronomique de 500 milliards de dollars de transactions effectuées. Des monnaies comme l’Ether ou le Litecoin ont également égalé leur record historique face au dollar.
Le grand gagnant de ce boom reste le Bitcoin qui fait figure aujourd’hui de véritable alternative aux monnaies traditionnelles. Cette monnaie devrait ainsi s’échanger aux alentours des 30.000 dollars l’unité soit son niveau le plus haut depuis 2009. Pour donner un ordre d’idée, il s’agit d’un doublement de la valeur du Bitcoin par rapport à 2019.
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Les raisons du boom
Le boom des monnaies digitales s’explique par la crise actuelle engendrée par la pandémie de Covid-19. La très forte baisse des taux d’intérêt décidée par l’ensemble des banques centrales, a ainsi affaibli les monnaies traditionnelles. De même, l’accumulation des dettes publiques pour répondre aux effets de la pandémie a fait diminuer les rendements des investisseurs.
À l’inverse, une monnaie comme le Bitcoin ne se trouve pas liée au système monétaire dominé par les banques centrales. Elle peut donc attirer des investisseurs en quête de davantage de rendements en période de crise. En outre, comme l’or, elle se positionne de plus en plus comme une valeur refuge dans un contexte d’incertitudes.
Des cryptomonnaies très gourmandes en énergie
Des besoins colossaux en électricité
Le boom des cryptomonnaies pose néanmoins un problème de taille qui a trait à leurs besoins colossaux en électricité. En effet, ces monnaies digitales reposent sur des algorithmes extrêmement puissants mais qui consomment une quantité importante d’énergie. En 2020, on estime ainsi que le marché du Bitcoin a consommé près de 77 TWh d’électricité.
Cette consommation impressionnante, supérieure à des pays comme le Chili, s’explique par les activités de minage utilisées dans ce secteur. Ces dernières renvoient aux technologies de Blockchain et à l’utilisation de serveurs à forte capacité afin de valider les transactions. Ce concept dit de « preuve de travail » permet de protéger les transactions en Bitcoin contre les contrefaçons.
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Des difficultés d’accès à l’énergie à l’avenir
À l’avenir, ces activités de minage risquent de poser de graves problèmes d’approvisionnement en électricité. Rien qu’en 2020, la hausse de la valeur du Bitcoin a fait exploser la consommation d’électricité. Aujourd’hui, cette consommation dépasse celle du Pakistan, pays pourtant peuplé de 200 millions d’habitants. Dès lors, le Bitcoin risque de cannibaliser une partie des ressources en électricité au détriment de la consommation des ménages.
Cette question est d’autant plus problématique qu’elle s’inscrit dans un horizon énergétique défini par l’accord de Paris. Ainsi, les monnaies digitales vont devoir s’approvisionner en électricité bas-carbone dans les années à venir. Rappelons qu’aujourd’hui ces monnaies ont une empreinte carbone équivalente à des nations comme la Jordanie ou le Sri Lanka. Cela s’explique par le poids des acteurs chinois sur ces marchés, faisant du charbon la principale source d’alimentation utilisée.
L’approvisionnement énergétique des cryptomonnaies: un enjeu géopolitique
Un marché de plus en plus convoité
D’après de nombreux experts, les cryptomonnaies vont connaître une accélération de leur usage dans les prochaines années. La digitalisation de l’économie ainsi que des taux d’intérêt structurellement bas stimuleront le besoin en monnaies dématérialisées. Selon Bloomberg, le prix du Bitcoin pourrait atteindre les 100.000 dollars d’ici 2025.
Dans ces conditions, les activités de minage font l’objet d’une véritable concurrence entre les États. La difficulté sera pour eux de s’assurer que les entreprises de minage soient alimentées en électricité à bas coûts. Le coût de l’électricité représente en effet près de 33% des revenus d’activité d’un mineur. Autrement dit, l’accès à une énergie bon marché constituera la pierre angulaire de la compétitivité des entreprises dans ce domaine.
Le développement d’une rivalité géopolitique
Cette question du prix de l’électricité explique la domination actuelle de la Chine qui s’est appuyée sur son industrie charbonnière. Néanmoins, l’embargo récent imposé par Pékin contre le charbon australien a réduit l’avantage compétitif des sociétés chinoises. Aujourd’hui, c’est la Russie qui semble la mieux placée pour conquérir ce marché du minage en plein essor.
Gazprom vient en effet d’annoncer l’ouverture d’une ferme de minage en Sibérie à proximité d’un champ pétrolier. Il compte ainsi utiliser le gaz associé du champ afin d’alimenter les opérations de minage en électricité à bas coût. Avec ce projet, la Russie se place donc en acteur majeur du marché des monnaies digitales. Or, ce rôle de leader peut lui permettre de manipuler à l’avenir l’évolution des cryptomonnaies renforçant ainsi son influence géopolitique.
Il faut rappeler que les cryptomonnaies sont considérées à Moscou comme des concurrents potentiels à l’hégémonie du dollar. Il s’agit donc pour la Russie de renforcer ses positions vis-à-vis des États-Unis. C’est dans ce contexte géostratégique que l’énergie jouera un rôle déterminant pour répondre aux besoins grandissants des activités de minage. L’essor des monnaies digitales constituera dès lors un enjeu énergétique fondamentale dans les prochaines années.