Le 17 mai dernier, S&P Global Commodity Insights évoquait le coût atteint par les crédits carbone au Brésil. Cette situation touche particulièrement les propriétaires terriens pour qui le seuil de rentabilité n’est plus atteint. À plus de 10 $/mtCO2e, il serait devenu rentable de conserver les espaces forestiers pour dédier les terres à l’industrie bovine.
Une dynamique qui transforme le foncier
Ces données ont été avancées par la société Carbonext, un développeur de projets forestier basé au Brésil. Son co-fondateur et co-PDG, Luciano Corrêa da Fonseca, s’est exprimé à ce sujet. Au travers d’une longue interview accordée à S&P Global Commodity Insights, il revient sur les enjeux du crédit carbone.
Dans un premier temps, le dirigeant de société explique comment le crédit carbone peut diminuer le défrichement. Selon lui, des propriétaires terriens au Brésil commencent à entretenir des zones de forêt, au lieu de les défricher, pour y installer des fermes d’élevage. Ainsi, il explique cette logique d’investissement :
« C’est en train de se produire. À 10 $/mtCO2e, les crédits carbone atteignent le seuil de rentabilité avec les exploitations bovines. À 40 $/mtCO2e, ils atteignent le seuil de rentabilité avec le soja. »
Ensuite, il revient sur l’évolution rapide des prix de ces derniers. Une évolution qui pousse plusieurs acteurs du foncier à investir de manière rentable et écologique. Luciano Corrêa da Fonseca raconte ce changement :
« Les prix ont augmenté très fortement l’année dernière. Nous avons commencé l’année en vendant des crédits à 3 ou 4 dollars [par mtCO2e] et nous avons terminé l’année en vendant des crédits à 15 dollars. Les prix ont donc augmenté de manière significative.[…] Étant donné que la demande est largement supérieure à l’offre, les prix vont continuer à augmenter. Dans nos projections, nous estimons que les prix seront d’environ 20 $/mt d’ici la fin de l’année. C’est ainsi que nous voyons le marché. »
Crédits carbone : la rentabilité écologique
Le niveau des crédits carbone incite les entreprises à utiliser autrement leurs terres afin d’emprisonner au mieux le carbone. Cette contribution contribue à ralentir le processus de changement climatique. Ceci tout en augmentant les bénéfices des agriculteurs et des propriétaires fonciers de la région amazonienne.
Le 21 janvier 2022, le coût des crédits carbone a atteint son pic avec 16,20 $/mtCO2e, selon S&P Global Commodity Insights. Depuis ce moment, les prix des crédits carbone sont retombés à 11,50 $/mtCO2e en mars, avant de remonter à 13,95 $/mtCO2e en mai. Malgré les baisses, le prix se maintient bien au-dessus du seuil de rentabilité critique pour l’élevage bovin au Brésil.
D’après Carbonext, le prix des crédits carbone devrait donc dépasser 40 $/mtCO2e pour exclure le soja du marché brésilien. Cependant, la transformation du secteur pourrait se faire plus rapidement. M. Correa da Fonseca décrypte les raisons logistiques qui pousseraient à une telle modification :
« Le soja rapporte plus d’argent, mais cela demande du temps, des efforts et comporte des risques. Si un propriétaire foncier établit un partenariat avec nous, nous faisons tout le travail. C’est une situation gagnant-gagnant. »
Des projets de crédits carbone avantageux
Par ailleurs, selon Janaina Dallan, également co-PDG de Carbonext, les prix de ces derniers devraient devenir de plus en plus importants. Elle confie :
« Nous disons qu’il y a une limite à l’offre pour l’intégrité et de la qualité des crédits carbone. C’est un long chemin pour livrer ces derniers. Nous avons une équipe de 50 personnes qui travaillent dessus. Ils étudient les méthodologies, les processus, le développement social des communautés, les informations et les analyses SIG. Également, ils prennent en compte le plus important : l’additionnalité, une question sur laquelle nous sommes très concentrés. »
L’additionnalité permet de connaître les progrès réalisés et l’accomplissement des différents projets. En ce sens, les projets concernés ne bénéficient de crédits que s’ils n’auraient pas eu lieu en l’absence de financement carbone. Mme. Dallan en vient notamment à quantifier les espaces qui valident ces conditions :
« Si vous avez une énorme forêt, il est probable que 20 % de la forêt présente une additionnalité. Pour le reste, vous n’avez pas de projets, vous n’avez pas de crédits carbone. Il s’agit donc d’un seuil très élevé. »
Une efficacité relative sur le plan global
Selon les dirigeants de Carbonext, le nombre total de crédits carbone émis en 2021 s’élevait à environ 360 millions de mtCO2e. Un chiffre qui peut paraître conséquent, mais qui est désigné comme « absurde » quand il est remis à l’échelle. Selon la société brésilienne, il y aurait « environ 50 milliards mt/an d’émissions mondiales ».
D’autant plus, ces derniers se confrontent par ailleurs à des risques, selon S&P Global Commodity Insights. Par exemple, certains des premiers projets concernés se sont confrontés aux droits des peuples autochtones et d’utilisation des forêts. Les projets forestiers qui abordent clairement ces questions attireront l’attention des entreprises émettrices de CO2.
Le cofondateur, Luciano Corrêa da Fonseca, a mis en avant la compatibilité des développements de projets forestiers et des droits des communautés locales. Il insiste sur cette voie de développement ainsi :
« Pensez-y de la manière suivante : si vous ne mettez pas en place des projets REDD+ dans la forêt amazonienne, elle sera déboisée. Nous devons agir maintenant. La déforestation est une réalité. En protégeant la zone, on arrête immédiatement la déforestation. Cela fonctionne ».