Les débats de la 29e Conférence des Nations Unies sur le climat (COP29), tenue à Bakou, Azerbaïdjan, ont marqué un tournant décisif pour les marchés internationaux du carbone. Les participants ont adopté des règles pour deux mécanismes distincts définis dans l’Article 6 de l’Accord de Paris, mais des interrogations persistent sur leur application et leur efficacité.
Le mécanisme décentralisé de l’Article 6.2 permet aux pays de négocier directement des crédits carbone dans des cadres bilatéraux. En parallèle, l’Article 6.4 introduit un marché centralisé, supervisé par les Nations Unies, qui gérera l’émission et le transfert de crédits carbone. L’Association internationale pour le commerce des émissions estime que ces mécanismes pourraient économiser jusqu’à 250 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour atteindre les objectifs climatiques.
Absence d’un cadre uniforme pour l’Article 6.2
Avant même l’adoption officielle des règles, des pays comme Singapour, le Japon et la Suisse avaient déjà établi des accords bilatéraux pour entamer des échanges internationaux. Cependant, aucune approche uniforme n’a été adoptée, ce qui pose un risque de fragmentation des standards.
Singapour s’appuie sur des normes existantes, telles que celles des programmes volontaires Verra et Gold Standard, tandis que le Japon développe ses propres standards de certification. Les experts estiment que cette diversité risque de nuire à l’intégrité et à la demande du marché décentralisé.
Pour pallier ce problème, des initiatives comme le Carbon Credit Quality Initiative (CCQI) et le Integrity Council for the Voluntary Carbon Market (ICVCM) visent à évaluer la qualité des crédits carbone et à promouvoir des standards cohérents.
Les enjeux de l’Article 6.4
Conçu pour surmonter les failles du Mécanisme pour un développement propre (MDP), l’Article 6.4 ambitionne d’assurer une meilleure intégrité des crédits carbone. Toutefois, certains experts soulignent que les unités de crédit issues de projets MDP risquent d’affaiblir la crédibilité de ce nouveau cadre si elles sont utilisées sans modification substantielle.
Les premières méthodologies liées à ce mécanisme devraient être soumises d’ici mi-2025, avec des crédits disponibles entre 2025 et 2026. Toutefois, des questions subsistent quant aux mécanismes de sanction pour les pays qui ne respecteraient pas les règles.
L’Environmental Defense Fund (EDF) appelle à des normes plus strictes pour les projets basés sur la nature, afin de protéger les communautés locales et les peuples autochtones.
Des signaux politiques insuffisants
La mise en œuvre des marchés carbone sous l’Article 6 dépend également des politiques nationales. Or, de nombreux pays, notamment la Chine et l’Australie, peinent à fournir des orientations claires au secteur privé.
En Australie, l’Institut du marché carbone a souligné la nécessité de décider rapidement si le pays souhaite participer pleinement aux marchés internationaux ou se concentrer sur des initiatives locales. En Chine, un entrepreneur du secteur carbone a indiqué que le pays pourrait devenir un acheteur de crédits carbone dans le cadre de l’initiative Belt and Road, mais l’absence de directives freine les initiatives actuelles.
Ces lacunes en matière de politiques nationales risquent de ralentir la participation du secteur privé, compromettant ainsi l’efficacité et la viabilité à long terme des mécanismes de l’Article 6.