Victime d’incendies, d’inondations et de sécheresses sans précédent, l’Australie tente de combler son retard en matière d’action contre le changement climatique mais sa dépendance à l’égard des combustibles fossiles pourrait freiner son action.
Le Premier ministre de centre-gauche Anthony Albanese a été élu en mai après s’être engagé à lutter contre le changement climatique. Jeudi, il a presque doublé l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030, visant les 43%.
Sa tâche est cependant loin d’être aisée. Si les Australiens attendent des mesures concrètes en matière de réchauffement, le pays reste fortement dépendant de ses exportations de combustibles fossiles.
Les émissions de l’Australie représentent un peu plus 1% des émissions mondiales, mais les combustibles fossiles en provenance de l’île-continent brûlés à l’étranger représentent entre 3 à 5% des émissions mondiales, selon des estimations, faisant de l’Australie l’un des plus grands pollueurs de carbone au monde.
“On ne met pas fin aux guerres du climat en ouvrant de nouvelles mines de charbon et de gaz”, a déclaré le leader des Verts australiens, Adam Bandt, dont le parti, qui pèse davantage au sein du Sénat, fait pression pour une réforme énergétique plus radicale en échange d’une collaboration avec le gouvernement.
Le principal point d’achoppement pour les Verts est la promesse du gouvernement de soutenir 114 nouveaux projets dans le secteur du charbon et du gaz.
Tensions
Selon une modélisation réalisée par ce parti, ces projets feraient plus que doubler les émissions du pays. “Aucun de ces nouveaux projets (…) n’est pris en compte dans leur modélisation du climat”, a déploré M. Bandt.
L’Australie est le deuxième exportateur mondial de charbon et l’un des principaux exportateurs de gaz. Les combustibles fossiles représentent environ un quart des exportations australiennes, essentiellement à destination du Japon, de la Chine et de la Corée du Sud, selon l’analyse de la Reserve Bank of Australia. Au niveau national, environ 70% de l’électricité provient du charbon et du gaz, selon les chiffres officiels.
Compte-tenu des sensibilités économiques, le nouveau gouvernement n’a toujours pas fixé de date limite pour se retirer de ce secteur, arguant que c’est aux marchés internationaux de décider quand le charbon ne sera plus viable.
Cette approche pourrait apaiser les inquiétudes de l’industrie du charbon et du gaz mais entraîner une crise économique, les analystes de la banque centrale avertissant que la demande internationale de charbon pourrait chuter de 80% d’ici le milieu du siècle. Des tensions commencent déjà à se faire sentir.
Mercredi, le groupe minier BHP a annoncé vouloir fermer d’ici 2030 ses mines de charbon situées dans l’État australien de Nouvelle-Galles du Sud, faute d’avoir pu trouver un repreneur. La première compagnie productrice d’énergie d’Australie, AGL, qui tente de se séparer des secteurs les plus polluants de son activité, fait également face à un avenir incertain.
“Tout était politique”
Le milliardaire Mike Cannon-Brookes, un ardent défenseur de l’environnement a proposé il y a quelques mois de racheter à AGL ses centrales électriques à charbon dans le but de les fermer d’ici 2030 – et non 2045 comme prévu. Son offre a été rejetée, mais M. Cannon-Brookes a fait pression pour bloquer cette scission, faisant valoir qu’elle nuirait aux actionnaires et retarderait la fermeture des centrales électriques au charbon.
“Chaque entreprise qui fait ces mêmes erreurs peut s’attendre à avoir de vraies perturbations, très très rapidement”, a affirmé à l’AFP David Ritter, directeur général de Greenpeace Australie.
C’est de la part des militants et de la population qui, ces dernières années n’a pu que constater les conséquences dramatiques du réchauffement climatique, que pourraient venir ces turbulences.
En 2019-20, d’immenses feux de forêts ont ravagé une superficie équivalente à celle de la Finlande, faisant plus de 30 morts et décimant des dizaines de millions d’animaux, selon des estimations. Les deux années suivantes, des inondations dramatiques ont submergé la côte est, et entraîné plus de 20 morts cette année, les eaux atteignant parfois le niveau des toits.
Avant ces immenses feux, Greg Mullins, qui a dirigé le service d’incendie de la Nouvelle-Galles du Sud, le plus grand Etat d’Australie, a tiré la sonnette d’alarme pour faire état l’impréparation du pays pour faire face aux feux que le changement climatique pourrait entraîner.
“Tout était politique. Parce que nous avons mentionné le changement climatique, ils nous ont simplement mis à l’écart”, a-t-il déclaré à l’AFP. Lui et ses collègues membres de l’organisation Emergency Leaders for Climate Action appellent à des réductions d’émissions bien plus ambitieuses – 75 % d’ici 2030.
“La dernière décennie a été perdue en matière d’action climatique, ils ont beaucoup de retard à rattraper”.