Areva mis en examen pour blessures involontaires

Suite à l'enlèvement de cinq Français au Niger en 2010, le géant du nucléaire est mis en examen pour "blessures involontaires".

Le géant du nucléaire Areva a une part de responsabilité dans l’enlèvement en 2010 de cinq Français par Al-Qaïda près de la mine d’uranium d’Arlit au Niger. C’est ce qu’estime un juge d’instruction antiterroriste qui l’a mis en examen lundi pour “blessures involontaires” par manque de sécurité.

Le magistrat reproche à Areva, devenue Orano, d’avoir sous-évalué le risque d’attaques de l’organisation Aqmi contre le site minier et de ne pas avoir instauré des mesures de sécurité adaptées pour l’ensemble des salariés, selon une source proche du dossier.

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Défaillances du système de protection

De plus, le juge chargé de cette information judiciaire, ouverte depuis 2013 au pôle antiterroriste, estime qu’Areva a ignoré les avertissements concernant les défaillances du système de protection et la menace terroriste. Cependant, Areva ne souhaite pas commenter sa mise en examen, a indiqué à l’AFP l’avocate du groupe Me Marion Lambert-Barret.

Dans la nuit du 15 au 16 septembre 2010, des hommes armés ont enlevé cinq Français – Françoise et Daniel Larribe, Pierre Legrand, Marc Feret et Thierry Dol -, un Malgache, Jean-Claude Rakotoarilalao, et un Togolais, Alex Awando.

Les terroristes libèrent Françoise Larribe, malade, le 25 février 2011 après cinq mois de captivité. Tout comme les salariés malgaches et togolais. Néanmoins, les quatre derniers otages avaient été délivrés le 29 octobre 2013, après 1.139 jours de détention dans le désert sahélien.

Lors de son interrogatoire, le groupe, représenté par sa directrice juridique, a réfuté tout manquement dans la gestion du risque, assurant que la protection des salariés était une priorité, a précisé la source proche.

Manque de protection des lieux de vie

À Arlit, l’un des sites d’extraction d’uranium au Niger, Areva devait assurer la sécurité des expatriés travaillant pour le groupe, ses filiales et sous-traitants, mais chaque entité avait également des obligations de sécurité envers son personnel, s’est défendue la directrice juridique.

Le groupe avait signé un contrat avec Niamey prévoyant la mise à disposition des forces de sécurité nigériennes pour protéger installations minières, logements et déplacements des expatriés.

Les investigations ont révélé le manque de protection du site, où vivait environ une centaine de personnes. Les terroristes ont kidnappé le couple Larribe dans sa villa, située dans un ensemble d’habitations non clôturé.

Des touaregs, employés des sociétés privées, sans armes surveillaient les lieux de vie. Ils ne comprenaient ni système d’alerte, ni base de repli.

Menace terroriste minimisée

Dès 2008, l’attaché de défense de l’ambassade de France avait pourtant alerté sur la sécurité défaillante du site d’Arlit. Des audits réalisés après le rapt ont pointé des manquements.

Pour la sécurité, Areva s’appuyait sur le commissariat et la gendarmerie d’Arlit, ainsi qu’un bataillon de 250 soldats de l’armée nigérienne stationné à cinq kilomètres.

Lors des kidnappings, policiers et gendarmes ne sont pas intervenus. Les forces de sécurité sont arrivées une heure et demie après. De plus, les investigations ont révélé le manque de formation et d’équipement de ces hommes.

Cependant, pour Areva, le dispositif de sécurisation élaboré était solide, mais sa mise en œuvre a été défaillante, a justifié la directrice juridique.

De plus, aux négligences de sécurité s’ajoute une sous-évaluation du risque que représentait Aqmi au Niger. Depuis 2009, les enlèvements d’Occidentaux et les menaces d’Aqmi contre les intérêts français s’étaient multipliés. Néanmoins, Areva n’a pas tenu compte des avertissements, estime les juges d’instruction.

“Malgré les nombreux avertissements portés à la connaissance d’Areva, rien n’a été sérieusement mis en œuvre”, a déploré Me Olivier Morice, avocat de Pierre Legrand et sa famille.

Une rançon payée

De plus, lors de son interrogatoire, Areva a confirmé avoir versé avec Vinci, l’un des sous-traitants, une rançon. Selon la source proche, il s’agit de 12,5 millions d’euros pour la libération des trois premiers otages; puis 30 millions d’euros pour les quatre derniers hommes.

“Cette somme a permis aux terroristes d’acheter des armes pour attaquer nos militaires et poursuivre des actions particulièrement lâches”, a dénoncé Me Morice.

“On est bien loin de la doctrine officielle de la France prétendant qu’aucune rançon n’est jamais versée”. “La France ne verse pas de rançon”, avait répété à l’époque l’entourage du président François Hollande pour contrer les rumeurs. Areva avait également démenti tout versement d’argent.

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