En Allemagne, tournée vers un avenir sans combustibles fossiles, une sorte de grosse boîte blanche suscite un débat houleux: les pompes à chaleur, censées remplacer les chaudières à gaz et à mazout.
La demande croissante pour les pompes à chaleur stimule l’industrie en Allemagne.
Si le gaz reste le moyen le plus courant de chauffer les maisons allemandes, les pompes à chaleur ont gagné en popularité, en pleine transition vers un chauffage plus écologique et dans un contexte de flambée des prix de l’énergie provoquée par l’invasion de l’Ukraine. Ces appareils, qui émettent moins de CO2 que les chaudières fossiles, génèrent ainsi des investissements considérables dans la première économie d’Europe, qui vise la neutralité carbone d’ici 2045.
Les carnets de commandes se remplissent et le phénomène devrait encore s’accélérer : un projet de loi, en cours d’examen au parlement, va exiger que progressivement, les chauffages individuels soient alimentés par au moins 65% d’énergie renouvelable. Le marché de ces pompes a déjà connu ces dernières années « une croissance significative, comme jamais auparavant », se félicite auprès de l’AFP Jan Brockmann, PDG du groupe Bosch Home Comfort.
« A long terme, nous pensons que l’Allemagne pourrait être le plus grand marché en Europe ». – Puzzles de haute technologie – Pour répondre à la demande, l’usine Bosch Home Comfort Group d’Eibelshausen, ville du centre de l’Allemagne, s’est lancée cette année dans la fabrication de cette technologie d’avenir. Sur les chaînes de production du site, dont l’histoire industrielle remonte à plus de quatre siècles, tuyauterie et électronique des futures pompes à chaleur sont insérées dans les entrailles du système.
La lutte pour l’adoption des nouvelles règles sur les pompes à chaleur en Allemagne
L’équipement subit des tests avant d’être placé dans une grande caisse. Le principe est comparable à celui des climatiseurs et réfrigérateurs, extrayant la chaleur du sol, de l’air extérieur ou d’une source d’eau. Pour l’écologiste Robert Habeck, vice-chancelier et ministre de l’Économie, ce dispositif est tout simplement la « technologie de l’avenir ».
Ces dernières semaines cependant, la promotion de ces pompes par le ministre a suscité une levée de boucliers, des doutes s’exprimant sur leur contribution réelle à la lutte contre le réchauffement et des critiques visant leur coût, jugé trop élevé pour nombre de foyers. Les partisans de la réforme mettent eux l’accent sur les importantes subventions gouvernementales proposées et sur les nombreuses options offertes aux acquéreurs, notamment la possibilité de se doter de systèmes hybrides moins coûteux.
Pour eux, ces pompes sont une des rares options réalistes pour réduire les émissions du secteur du bâtiment, qui ont représenté environ 15% des rejets de dioxyde de carbone de l’Allemagne en 2022. Alors qu’un compromis politique avait été trouvé sur le calendrier d’entrée en vigueur des nouvelles règles, après des semaines de crise gouvernementale, un coup de théâtre judiciaire a empêché l’adoption de la loi au parlement prévue cette semaine.
La querelle politique en Allemagne retarde l’adoption des pompes à chaleur.
La Cour constitutionnelle, saisie par l’opposition conservatrice, a jugé trop court le temps réservé aux députés pour examiner la version finale du texte. Le vote est repoussé au mois de septembre. Ce conflit laisse des traces et diminue l’intérêt des clients potentiels, déplorent les professionnels. M. Brockmann qualifie ainsi la querelle politique de « très regrettable ». – Concurrence – Malgré l’agitation, Bosch Home Comfort reste optimiste et prévoit d’investir un milliard d’euros d’ici la fin de la décennie dans son réseau européen.
Outre l’Allemagne, l’entreprise possède des usines en Suède et au Portugal, et est en train d’en construire une en Pologne. Le marché est toutefois encombré, avec la concurrence d’autres fabricants allemands tels que Vaillant ou Viessmann, qui a décidé récemment de vendre son coeur de métier à un groupe américain, signe de l’appétit suscité par les pompes à chaleur.
Alors que la controverse fait rage autour de ces appareils, beaucoup restent convaincus qu’ils sont essentiels à la lutte contre le changement climatique. Peter Klafka, dont l’entreprise, Klafka & Hinz produit des systèmes informatiques utilisés dans le secteur de l’énergie, juge ainsi « exagérées » les critiques visant les coûts et efforts nécessaires à l’installation de ces pompes. « Certains prétendent qu’il faut complètement rénover sa maison, mais c’est faux », assure-t-il à l’AFP. Pour lui, « les pompes à chaleur sont essentielles à la transition énergétique ».