La Commission européenne a annoncé l’ouverture d’une enquête sur le soutien financier accordé par la Pologne à son premier projet de centrale nucléaire, prévu à Lubiatowo-Kopalino, dans le nord du pays. Ce projet vise une mise en service d’ici 2030, avec un coût estimé à 45 milliards d’euros pour une capacité de 3.750 mégawatts (MW).
La Pologne, qui s’appuie encore massivement sur le charbon pour produire son électricité, voit dans l’énergie nucléaire une solution stratégique pour diversifier son mix énergétique et réduire ses émissions de gaz à effet de serre. La Commission européenne reconnaît que ce projet pourrait renforcer la sécurité d’approvisionnement en électricité et accélérer la transition énergétique. Cependant, elle souhaite examiner la conformité des aides d’État aux règles européennes pour éviter toute distorsion de concurrence.
Les dispositifs d’aide en question
La Pologne prévoit trois formes de soutien financier pour l’entreprise publique Polskie Elektrownie Jadrowe (PEJ), en charge de ce projet :
– Une injection de capital à hauteur de 14 milliards d’euros.
– Des garanties publiques couvrant 100 % des dettes contractées par PEJ.
– Un « contrat pour différence », garantissant un revenu constant pour l’électricité produite pendant les 60 ans d’exploitation prévus.
Ces mesures, bien qu’essentielles selon Varsovie pour lancer ce projet ambitieux, suscitent des interrogations de la part de Bruxelles, notamment sur le risque d’aide excessive.
Les enjeux réglementaires et stratégiques
Selon la vice-présidente de la Commission européenne, Teresa Ribera, il est crucial de vérifier que ces aides publiques ne désavantagent pas les autres acteurs du marché. Si le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) garantit aux États membres la liberté de choisir leur mix énergétique, toute mesure nationale doit néanmoins respecter les règles communautaires en matière de concurrence.
À terme, la Pologne ambitionne de construire trois sites nucléaires, chacun équipé de trois réacteurs, pour une puissance globale de 15 gigawatts (GW). Ces installations pourraient représenter jusqu’à 30 % du mix énergétique polonais.
Décarbonation et souveraineté énergétique
Ce projet intervient dans un contexte où la Pologne cherche à réduire sa dépendance au charbon, qui représente encore une part majoritaire de sa production d’électricité. L’énergie nucléaire, perçue comme un levier pour la décarbonation, joue également un rôle clé dans la sécurité énergétique nationale et régionale. Cependant, l’évaluation européenne devra s’assurer que le soutien public respecte un équilibre entre incitation au développement et équité concurrentielle.
La décision de la Commission sur la compatibilité des aides polonaises avec les règles européennes devrait avoir des implications importantes, non seulement pour la Pologne, mais aussi pour d’autres États membres envisageant de nouveaux projets nucléaires.