Les exportations de gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis se concentrent désormais massivement vers l’Europe, réduisant fortement le rôle stratégique du canal de Panama dans les échanges intercontinentaux. En novembre, près de 70 % des volumes américains ont été expédiés vers l’Europe, contre seulement 16 % vers l’Asie. Ce changement d’orientation modifie profondément la géographie des flux mondiaux de GNL et affaiblit le rôle de carrefour de Panama dans les échanges transpacifiques.
Arbitrage économique en défaveur de l’Asie
L’analyse des coûts logistiques montre que le différentiel entre l’itinéraire par Panama et celui par le cap de Bonne-Espérance reste insuffisant pour compenser l’absence de signal prix favorable en Asie. Le coût d’un voyage via Panama atteint 2,21 $/MBtu, contre 3,21 $/MBtu par le cap. Cependant, le spread net vers l’Asie reste limité à 0,225 $/MBtu, insuffisant pour justifier les risques liés à la congestion et à la variabilité hydrologique du canal. À l’inverse, la liquidité accrue des marchés européens (TTF, NBP) et la sécurité d’approvisionnement renforcent l’attractivité de l’Atlantique.
Risques structurels au canal de Panama
Les conditions climatiques de 2023 et 2024 ont affecté durablement les capacités du canal, contraignant l’Autorité du canal de Panama (ACP) à réduire les tirants d’eau autorisés et à introduire un nouveau système d’enchères, LoTSA 2.0. Ce mécanisme réduit à trois le nombre quotidien de créneaux réservés aux contrats long terme, rendant l’accès au canal plus incertain pour les méthaniers opérant sur le marché spot. Les slots sont désormais prioritairement attribués aux porte-conteneurs et autres lignes régulières.
Redéploiement logistique des acteurs GNL
Face à ces contraintes, les exportateurs américains, dont les terminaux de Sabine Pass et Cameron LNG, renforcent leurs positions contractuelles en Europe. Parallèlement, des opérateurs comme New Fortress Energy réorganisent leurs itinéraires, utilisant le Mexique comme point de redistribution intra-Pacifique. En Asie, les acheteurs tels que JERA et KOGAS ajustent leurs stratégies, se tournant vers des fournisseurs plus proches comme le Qatar ou l’Australie pour compenser la baisse de flexibilité sur le GNL américain.
Conséquences sur les marchés et les prix
La baisse des transits GNL par Panama renforce la segmentation régionale du marché. L’Europe devient le pôle principal pour les volumes américains, ce qui pourrait affaiblir le lien traditionnel entre les indices TTF et JKM. Cette nouvelle configuration soutient également la demande de navires sur les longues routes via le cap de Bonne-Espérance, avec un impact modéré sur les taux de fret. En revanche, elle réduit les marges d’arbitrage et la capacité des traders à profiter de variations rapides entre les bassins.