Le département du Trésor des États-Unis a publié une licence générale autorisant, jusqu’au 29 avril 2026, la poursuite des activités des stations-service de Lukoil situées hors de Russie. Cette décision permet le maintien des opérations dans plusieurs régions stratégiques tout en bloquant les flux financiers vers la Russie.
Un cadre juridique de neutralisation financière
Lukoil, ainsi que Rosneft, a été inscrit en octobre sur la liste des Specially Designated Nationals (SDN) conformément au décret exécutif 14024. Cette mesure interdit toute transaction avec des personnes américaines et expose les entités tierces à des sanctions secondaires. Toutefois, la licence n°128B introduit une exception : elle autorise les transactions nécessaires à l’exploitation des stations-service et à l’achat de produits, tant que celles-ci n’impliquent aucun transfert de fonds vers la Russie.
Les comptes bancaires concernés peuvent être utilisés pour ces opérations, mais restent bloqués en dehors de ce périmètre autorisé. Une clause centrale du dispositif impose que « les fonds générés ne soient pas transférés vers des personnes ou des comptes situés en Fédération de Russie », obligeant les opérateurs à segmenter strictement les flux financiers.
Protection d’actifs stratégiques et orchestration des cessions
Le réseau de Lukoil comprend environ 2 000 stations-service dans plus de dix pays, notamment en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et aux États-Unis. Des infrastructures critiques comme la raffinerie de Burgas en Bulgarie sont également concernées. Pour éviter des perturbations majeures, une licence distincte couvre les activités bulgares jusqu’en avril 2026.
Plusieurs acheteurs potentiels, dont ExxonMobil, Chevron, Carlyle et des fonds souverains du Golfe, ont exprimé leur intérêt pour l’ensemble des actifs internationaux, évalués à 22 Md$. Le Trésor américain conserve un droit de veto sur les transactions. Une offre de Gunvor a déjà été écartée pour des raisons politiques.
Objectif de continuité énergétique sans profit pour Moscou
Les autorités américaines cherchent à éviter toute interruption de l’approvisionnement local en carburant tout en réduisant les recettes russes. Les stations sont donc maintenues en activité, mais considérées comme des actifs « orphelins » sur le plan financier. Cette approche permet de limiter l’impact inflationniste pour les pays alliés tout en affaiblissant la capacité de Lukoil à remonter des fonds vers sa maison-mère.
Les flux générés servent uniquement à l’exploitation, à l’entretien et à la cession des installations. Lukoil ne peut utiliser ces ressources ni pour financer ses activités en Russie ni pour distribuer de dividendes. Cette configuration rend les actifs financièrement neutralisés du point de vue de Moscou.
Un désengagement progressif sous contrainte réglementaire
Le portefeuille international de Lukoil est désormais structuré comme un ensemble d’actifs à désengager sous supervision. Chaque transaction requiert une validation des autorités américaines. Cette approche entraîne une décote potentielle et un étalement dans le temps, accentué par les exigences de conformité.
Lukoil pourrait recentrer ses activités sur la Russie et certaines zones non occidentales. Le retrait d’actionnaires comme Leonid Fedun a renforcé l’influence de profils étroitement liés au pouvoir russe dans la gouvernance du groupe.
Rôle des gouvernements locaux et implications pour les marchés
Plusieurs États, notamment la Roumanie et la Bulgarie, ont adopté ou envisagent des mécanismes de prise de contrôle temporaire pour éviter une interruption de service. Ces dispositions permettent aux autorités de gérer une éventuelle transition si la cession des actifs échoue ou si la licence américaine n’est pas renouvelée.
Les marchés pétroliers bénéficient ainsi d’une stabilité temporaire dans les zones concernées. Pour les investisseurs, la période actuelle constitue une opportunité de consolidation, mais impose une rigueur accrue en matière de conformité, notamment pour garantir l’absence de bénéfices indirects pour la Russie.