Le Pakistan s’est durablement repositionné sur le marché régional comme fournisseur net de fuel oil, avec un volume d’exportations supérieur à 1,4 million de tonnes en 2025. Cette dynamique résulte de la chute rapide de la demande intérieure, d’une fiscalité dissuasive sur les ventes domestiques et d’un arbitrage vers des combustibles alternatifs comme le gaz naturel liquéfié régazéifié (RLNG) ou le charbon importé.
Refonte du mix énergétique et effet de ciseau fiscal
Les autorités fiscales ont mis en œuvre une augmentation de 40 % des taxes spécifiques sur le fuel domestique, en plus d’une taxe sur la valeur ajoutée de 18 %. Cela a incité les raffineurs à privilégier l’exportation de fuel, rémunérée en devises étrangères et indexée sur les marchés internationaux. Dans le même temps, la production électrique à base de fuel a chuté à 3 TWh en 2024, contre 8 TWh un an plus tôt, rendant ce produit excédentaire dans le système énergétique national.
Réorganisation industrielle autour des flux exports
Les principales raffineries du pays, dont Pak-Arab Refinery (PARCO), Cnergyico, Attock Refinery, National Refinery et Pakistan Refinery, concentrent désormais leurs efforts sur les débouchés extérieurs. Cnergyico a entrepris de modifier son approvisionnement en brut pour produire davantage de very low sulfur fuel oil (VLSFO), conforme à la réglementation maritime de l’Organisation maritime internationale (OMI 2020). La présence de Vitol parmi les partenaires commerciaux renforce l’intégration de ces flux dans les marchés de bunkering de Singapour et Fujairah.
Compliance renforcée dans un environnement géopolitique instable
Le repositionnement du Pakistan s’effectue dans un contexte de renforcement des sanctions sur les flux pétroliers russes et iraniens. Même si Islamabad n’est pas directement visé, plusieurs entités du pays ont été identifiées comme intermédiaires dans des flux de fuel sanctionnés. Cela augmente les exigences de diligence pour les acheteurs internationaux, notamment en matière de suivi maritime automatisé, de documentation douanière et de contrôle des contreparties.
Pression sur les marges régionales et effets de débordement
L’afflux de fuel pakistanais accentue la surabondance de high-sulfur fuel oil (HSFO) sur les marchés asiatiques, comprimant les marges de raffinage pour les barils lourds et affectant les raffineries mal équipées en unités de conversion profonde. Les armateurs qui exploitent encore des moteurs non équipés de systèmes d’épuration des gaz d’échappement (scrubbers) bénéficient de ce surplus, avec des coûts de bunkering en baisse.
Exposition croissante des raffineurs pakistanais à la volatilité mondiale
Les raffineurs du pays sécurisent ainsi des débouchés stables pour écouler leur résidu, mais deviennent plus vulnérables aux variations des spreads HSFO/VLSFO, à la hausse des coûts logistiques et à l’évolution de la régulation internationale sur les carburants marins. Les décisions futures de l’Organisation maritime internationale sur les standards carbone pourraient impacter fortement ces acteurs peu flexibles.
Le Pakistan dans la géopolitique des flux pétroliers secondaires
En se positionnant comme fournisseur marginal dans l’océan Indien, le Pakistan s’insère dans une zone de recomposition des flux pétroliers secondaires, aux côtés des hubs russes, iraniens et du Golfe. Ce rôle expose le pays à une surveillance accrue, notamment de la part des autorités américaines et européennes. La traçabilité des molécules raffinées, notamment issues de brut russe payé en renminbi, devient un enjeu central pour les acheteurs souhaitant éviter toute “contamination sanctions”.