L’Asie du Sud-Est pourrait investir jusqu’à 208 milliards $ pour développer une capacité nucléaire de 25 gigawatts d’ici 2050, selon une récente analyse sectorielle. Cette stratégie marque un changement majeur dans la politique énergétique régionale, historiquement dépendante du charbon et du gaz pour sa production de base. Aucun pays de la région ne dispose actuellement de réacteur nucléaire en service.
Les petits réacteurs modulaires en tête
L’étude identifie les petits réacteurs modulaires (Small Modular Reactors, SMR) comme technologie privilégiée, malgré un coût de production estimé à 220 $/MWh en 2050, soit plus du double des 101 $/MWh pour les centrales nucléaires conventionnelles. Les SMR présentent des avantages opérationnels décisifs, notamment une mise en service accélérée de deux à trois ans, contre dix à trente ans pour les projets traditionnels.
“Indépendamment du coût initial, les SMR permettent un déploiement rapide avec moins de complexité réglementaire”, a déclaré Robert Liew, directeur Asie-Pacifique (hors Chine) pour les énergies renouvelables. Cette rapidité est perçue comme un levier stratégique pour des marchés à forte demande comme ceux de l’Asie du Sud-Est.
Un déploiement nucléaire inégal dans la région
Parmi les pays de la région, seuls le Vietnam et les Philippines ont officialisé des projets nucléaires à grande échelle. Le scénario nucléaire prévoit que seul le Vietnam parviendra à construire une centrale à réacteur à eau pressurisée. Le pays vise entre 10,5 et 14 GW de capacité d’ici 2050, avec une première mise en service envisagée dès 2030.
La Malaisie prévoit 1,2 GW de SMR à l’horizon 2050, avec un lancement initial décalé à 2035. Les Philippines ambitionnent 2,4 GW, bien que seules la moitié de ces capacités seraient concrétisées. La Thaïlande envisage un retour au nucléaire avec une capacité de 600 MW d’ici 2037, portée à 3 GW en 2050. L’Indonésie prévoit deux unités de 250 MW dans son plan décennal, et Singapour pourrait ajouter 800 MW pour réduire sa dépendance au gaz naturel liquéfié importé.
Partenariats publics-privés et perspectives industrielles
Les coûts initiaux élevés ne freinent pas l’intérêt croissant du secteur privé. Les petits réacteurs modulaires ouvrent des perspectives dans le cadre d’accords d’achat d’électricité à long terme (Corporate Power Purchase Agreements, CPPA), en apportant une solution de base stable et à faibles émissions.
Selon l’étude, les entreprises publiques d’électricité devraient jouer un rôle central en tant que preneurs d’électricité et co-investisseurs dans les projets. Ces partenariats publics-privés visent à mutualiser les risques et à combler les besoins en capitaux.
Dans les marchés libéralisés à forte sensibilité tarifaire, comme Singapour et les Philippines, le nucléaire pourrait contribuer à une baisse des prix de gros de l’électricité, selon les prévisions du rapport. Cette dynamique renforce l’attrait économique de la filière nucléaire, malgré les investissements initiaux importants.