Abu Dhabi National Oil Company Logistics & Services (ADNOC L&S) a enregistré des performances financières exceptionnelles au deuxième trimestre 2025, avec des revenus atteignant 1,258 milliard de dollars, soit une hausse de 40% sur un an. Le bénéfice net a progressé de 14% à 236 millions de dollars, dépassant largement les estimations des analystes qui tablaient sur 198,5 millions selon les données LSEG. Cette performance intervient dans un contexte de volatilité accrue sur les marchés du fret maritime, où les taux de charter pour les tankers ont connu des fluctuations importantes. L’EBITDA (Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Amortization) a bondi de 31% à 400 millions de dollars, maintenant une marge robuste de 30%.
L’effet Navig8 transforme le segment shipping
L’acquisition à 80% de Navig8 pour environ un milliard de dollars, finalisée en janvier 2025, constitue le principal moteur de cette croissance spectaculaire. Le segment shipping a vu ses revenus plus que doubler, passant de 153 millions à 415 millions de dollars, malgré ce que Nicholas Gleeson, directeur financier d’ADNOC L&S, qualifie de taux de charter « plus faibles » au second trimestre. Cette acquisition apporte non seulement une flotte moderne de 32 tankers, mais également Integr8 Fuels, l’un des plus importants négociants de bunker au monde avec un volume annuel de 6,3 millions de tonnes métriques. La société, qui emploie plus de 50 traders dans 12 bureaux mondiaux, gère les approvisionnements en carburant pour 850 clients, renforçant ainsi la position d’ADNOC L&S dans la chaîne de valeur maritime globale.
Le segment logistique intégré a maintenu sa trajectoire de croissance avec des revenus de 628 millions de dollars, soutenus par une utilisation élevée et des taux attractifs sur les barges auto-élévatrices (Jack-up Barges). Les projets d’ingénierie, approvisionnement et construction, notamment le développement offshore Hail & Ghasha et la construction de l’île artificielle G-island, ont contribué significativement à cette performance. Le projet Hail & Ghasha, représentant un investissement total de 16,94 milliards de dollars, vise à produire 1,5 milliard de pieds cubes standard par jour de gaz naturel d’ici 2030 avec une empreinte carbone nette zéro. ADNOC L&S joue un rôle central dans ce méga-projet en fournissant l’infrastructure logistique offshore nécessaire, incluant des barges spécialisées et des navires de support.
Expansion stratégique de la flotte gazière
La société poursuit son programme ambitieux d’expansion de flotte avec la livraison prévue de son premier Very Large Ethane Carrier (VLEC) et du troisième de ses six transporteurs de gaz naturel liquéfié (GNL) au troisième trimestre 2025. Cette expansion s’inscrit dans un investissement de 1,9 milliard de dollars pour neuf VLECs et quatre Very Large Ammonia Carriers (VLACs), positionnant AW Shipping, la coentreprise d’ADNOC L&S avec Wanhua Chemical Group, parmi les plus importantes flottes mondiales de transporteurs d’éthane. Chaque VLEC dispose d’une capacité de 99 000 mètres cubes et peut fonctionner à l’éthane ou aux carburants conventionnels, tandis que les VLACs offrent une capacité de 93 000 mètres cubes pour le transport d’ammoniac. Ces navires sont déployés sur des contrats de charter de 20 ans, générant des revenus garantis de 4 milliards de dollars sur 180 années de contrats agrégés.
L’accord stratégique de 15 ans signé avec Borouge en juin 2025, d’une valeur minimale garantie de 531 millions de dollars, illustre la diversification des services d’ADNOC L&S. La société gérera jusqu’à 70% de la production annuelle de produits pétrochimiques de Borouge, déployant au minimum deux navires feeders dédiés pour transporter les produits d’Al Ruwais vers les ports en eau profonde de Jebel Ali à Dubaï et Khalifa Port à Abu Dhabi. Cette collaboration prend une dimension particulière avec l’expansion Borouge 4, qui ajoutera 1,4 million de tonnes de capacité annuelle d’ici 2026, faisant du complexe le plus grand site de polyoléfines au monde.
Navigation dans un marché tanker complexe
Les perspectives du marché tanker restent nuancées selon Gleeson, qui anticipe une amélioration au second semestre 2025. Huit nations de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole Plus (OPEP+) ont commencé à réintroduire 2,2 millions de barils par jour de pétrole brut sur le marché depuis avril 2025, après plusieurs reports. Cette augmentation progressive de l’offre, combinée à la réduction potentielle de la « flotte fantôme » transportant du pétrole sanctionné, pourrait soutenir les taux de fret. La flotte fantôme, estimée entre 1 100 et 1 400 navires selon diverses sources, continue de créer des inefficiences sur le marché en allongeant les distances de voyage et en mobilisant des capacités qui seraient autrement disponibles pour le commerce conventionnel.
Les sanctions occidentales ont considérablement reconfiguré les flux commerciaux pétroliers mondiaux. En juillet 2025, l’Union européenne a interdit les importations de produits raffinés fabriqués à partir de pétrole brut russe, abaissé son plafond de prix à 47,60 dollars le baril contre 60 dollars précédemment, et inscrit plus de 100 tankers de la flotte fantôme sur liste noire. Les États-Unis ont sanctionné 183 navires supplémentaires en janvier 2025, portant à environ 35% la proportion de la flotte sombre sous sanctions occidentales. Ces mesures créent paradoxalement des opportunités pour les opérateurs conformes comme ADNOC L&S, dont les navires bénéficient d’une prime de conformité sur un marché où l’assurance et la transparence deviennent des avantages concurrentiels.
La société a relevé ses prévisions pour l’exercice 2025, anticipant désormais une croissance du bénéfice net dans une fourchette « moyenne à élevée à deux chiffres » contre une prévision initiale de croissance « faible à deux chiffres ». Les revenus devraient progresser dans une fourchette haute de 20% sur l’année. Avec plus de 26 milliards de dollars de revenus futurs déjà contractualisés et une capacité d’investissement additionnelle de 3 milliards de dollars d’ici 2029, ADNOC L&S dispose des moyens financiers pour poursuivre son expansion internationale. La société maintient son objectif de ratio dette nette/EBITDA entre 2,0 et 2,5 fois à moyen terme, tout en préservant sa politique de dividende progressive avec un versement prévu de 287 millions de dollars pour 2025, en hausse de 5% par rapport à 2024.