La société française Électricité de France (EDF) a obtenu le 6 mai une injonction judiciaire en République tchèque suspendant la signature d’un contrat entre le gouvernement tchèque et Korea Hydro & Nuclear Power (KHNP), sélectionné pour construire de nouveaux réacteurs à la centrale de Dukovany. Cette décision intervient après le rejet d’une plainte antérieure d’EDF par l’autorité tchèque de la concurrence, contestant la régularité de la procédure d’appel d’offres.
Une plainte fondée sur les règles européennes
EDF affirme que sa démarche vise uniquement à garantir la conformité du projet avec les règles européennes. Le vice-président chargé du développement nucléaire international chez EDF, Vakis Ramany, a déclaré à des médias tchèques que l’offre de KHNP, évaluée à environ CZK200 milliards ($8.6bn) par unité, ne pourrait être économiquement viable sans une aide publique illégale. Il a précisé que cette allégation s’appuie sur des données accessibles au public et des déclarations du gouvernement tchèque.
EDF soutient que sa propre offre, basée sur un réacteur de 1 200 MW contre 1 000 MW pour KHNP, était comparable en prix, avec un écart de seulement quelques pourcents. L’entreprise indique qu’elle garantit la technologie, les délais et les coûts de plus de la moitié du contrat, mais souligne ne pas pouvoir assumer les risques liés aux procédures administratives locales.
Opposition tchèque et sud-coréenne
La société de projet Elektrárna Dukovany II a saisi la Cour administrative suprême tchèque pour lever l’injonction, avec le soutien de KHNP. Le ministère tchèque de l’Industrie et du Commerce affirme que le contrat n’entre pas dans le champ d’application du règlement européen sur les subventions étrangères, car la procédure avait débuté avant son entrée en vigueur.
KHNP a rejeté les accusations de subventions comme infondées et estime que les actions d’EDF menacent la sécurité énergétique régionale. L’entreprise affirme avoir respecté toutes les réglementations internationales.
Une révision européenne en cours
Le 2 mai, le commissaire européen à la stratégie industrielle, Stéphane Séjourné, a adressé une lettre sollicitant le report de la signature du contrat, citant une évaluation préliminaire en cours par la Commission européenne sur d’éventuelles distorsions du marché intérieur causées par des subventions étrangères. Le gouvernement tchèque a qualifié cette lettre de non contraignante.
Un accord a été trouvé entre Prague et Bruxelles pour accélérer les consultations sur les aspects juridiques et techniques du contrat d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction (EPC). Selon Reuters, la signature du contrat pourrait désormais être repoussée après les élections générales prévues en octobre.
Enjeux industriels pour la filière tchèque
EDF affirme que son offre garantissait une participation de 40 % aux entreprises tchèques, pouvant atteindre 60 % en cas de construction de quatre unités. Cela représenterait jusqu’à CZK350 milliards de contrats locaux, et potentiellement CZK750 milliards supplémentaires via des projets nucléaires européens dans lesquels EDF serait impliquée.
Selon Ramany, EDF ne s’oppose pas à la construction de réacteurs nucléaires en République tchèque mais souhaite s’assurer que le projet respecte pleinement les normes européennes. Il a ajouté que seul un constructeur bénéficiant de subventions d’État pouvait assumer les risques du projet dans un environnement réglementaire européen complexe.