Une normalisation des relations énergétiques entre la Russie et l’Europe, conditionnée par un accord de paix durable en Ukraine, pourrait bouleverser les équilibres du marché du gaz naturel liquéfié (GNL), selon un rapport de la société de conseil Wood Mackenzie. Dans un scénario dit de « paix stable », la levée des sanctions américaines sur les projets russes et une reprise significative des livraisons gazières vers l’Union européenne réduiraient la demande de GNL en provenance des États-Unis, menaçant plusieurs décisions finales d’investissement (Final Investment Decisions – FID) à court et moyen terme.
Levée progressive des sanctions et reprise des flux russes
Dans ce scénario, la Russie pourrait exporter jusqu’à 50 milliards de mètres cubes de gaz par an vers l’Europe par pipeline, tandis que le redémarrage des exportations de GNL atteindrait 12 millions de tonnes par an. Les prix du gaz sur le hub néerlandais TTF chuteraient alors en dessous des 8 à 9 $/mmbtu anticipés pour 2028-2029, entraînant une sous-utilisation estimée à 25 millions de tonnes par an de capacité américaine sur les cinq prochaines années. Cette baisse structurelle des exportations américaines pèserait également sur les prix du Henry Hub, augmentant l’offre disponible pour la production d’électricité domestique.
Scénario de compromis forcé : retour limité du gaz russe
Un accord de paix obtenu sous pression diplomatique, notamment par les États-Unis et la Russie, permettrait une levée partielle des restrictions. Toutefois, l’Union européenne maintiendrait l’interdiction sur le projet Arctic LNG-2, limitant les exportations russes à 6 Mtpa. Certaines livraisons par gazoduc via l’Ukraine à destination de la Hongrie et de la Slovaquie pourraient être autorisées pour éviter des blocages politiques au sein du Conseil de l’UE. Ce retour modéré contribuerait à stabiliser plus rapidement les marchés, sans compromettre de manière significative les investissements dans les capacités américaines.
Prolongation du conflit : consolidation des alternatives américaines et qataries
Dans l’hypothèse où aucun accord ne serait atteint, les prix du gaz resteraient élevés à moyen terme, poussés par une offre russe limitée. L’Union européenne pourrait alors renforcer ses sanctions, notamment en interdisant les flux issus du projet Yamal LNG et du gazoduc TurkStream. Cette configuration accroîtrait la dépendance européenne au GNL, consolidant la position des fournisseurs comme les États-Unis et le Qatar, tout en stimulant de nouveaux engagements financiers dans le secteur.
Massimo Di-Odoardo, vice-président de la recherche sur le gaz et le GNL chez Wood Mackenzie, a déclaré : « Le résultat des négociations de paix entre la Russie et l’Ukraine demeure extrêmement incertain. Tous les scénarios restent plausibles, y compris des combinaisons, bien qu’un accord de paix fondé sur des approches divergentes entre les États-Unis et l’Union européenne semble actuellement le plus probable. »