Les barrages hydroélectriques de la rivière Willamette, dans l’État de l’Oregon, sont au cœur d’un débat national qui oppose impératifs énergétiques et conservation de la biodiversité. Avec leurs murs de béton imposants et l’absence de voies adaptées pour les migrations des saumons, ces infrastructures, conçues principalement pour le contrôle des inondations, soulèvent des interrogations sur leur avenir.
Le Corps des ingénieurs de l’armée américaine (U.S. Army Corps of Engineers) avait initialement proposé des solutions coûteuses et complexes, comme des pièges mécaniques géants pour transporter les jeunes saumons en camions-citernes. Cette idée controversée, estimée entre 170 et 450 millions de dollars par dispositif, a été jugée inefficace par des biologistes et critiquée par des groupes de défense de l’environnement et des utilisateurs industriels.
Un tournant législatif
En janvier 2025, le président Joe Biden a signé une loi qui ordonne la suspension des projets du Corps en faveur d’une étude approfondie sur l’impact d’une suppression progressive des barrages pour la production d’électricité. Cette décision suit les révélations de médias comme *Oregon Public Broadcasting* et *ProPublica*, qui avaient mis en lumière les coûts exorbitants et les impacts environnementaux persistants.
Selon un rapport récent de la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), les solutions proposées par le Corps mettraient en péril les saumons et les truites arc-en-ciel (steelhead), déjà classés parmi les espèces menacées. Le rapport recommande des ajustements profonds, notamment le rétablissement d’un débit fluvial plus naturel et la surveillance accrue des espèces migratrices.
Un modèle économique contesté
Avec seulement 1 % de la production électrique régionale, les barrages de la Willamette génèrent une électricité cinq fois plus coûteuse que celle produite par les grands barrages des rivières Columbia et Snake. Ces données renforcent les critiques sur la rentabilité de ces infrastructures.
Le Corps a par ailleurs accumulé des retards dans ses études demandées par le Congrès en 2020 et 2022 pour évaluer l’impact d’une fermeture des turbines hydroélectriques. En dépit de ces retards, il poursuivait des projets sur 30 ans incluant des investissements en hydropower, suscitant la frustration de législateurs comme Val Hoyle, représentante démocrate de l’Oregon.
Entre nature et infrastructures
Un retour à des niveaux d’eau proches de ceux d’un cours d’eau non aménagé pourrait résoudre une partie des problèmes de migration des poissons. Toutefois, cette transition ne serait pas sans conséquences : des villes en aval risquent des difficultés liées à la gestion des boues accumulées dans les réservoirs, comme ce fut le cas en 2023 lorsque la vidange des barrages a temporairement compromis la qualité de l’eau potable.
Le Congrès a donc mandaté le Corps pour évaluer des solutions aux défis en aval, y compris la modernisation des systèmes d’eau potable des villes concernées. Une disposition méconnue permet au Corps de financer jusqu’à 75 % des coûts de ces infrastructures, mais cette option n’a jamais été exploitée dans l’Oregon.
Les perspectives pour la Willamette
Pour les tribus autochtones, comme les Confédérés de Grand Ronde, la préservation des saumons est un enjeu vital, autant culturel qu’environnemental. Kathleen George, membre du conseil tribal, appelle à une accélération des efforts pour restaurer les écosystèmes fluviaux.
Les prochaines décisions auront des implications importantes, non seulement pour l’Oregon, mais aussi pour d’autres régions où des infrastructures vieillissantes doivent être adaptées aux exigences modernes. La gestion des barrages de la Willamette pourrait devenir un modèle pour réconcilier énergie renouvelable, biodiversité et viabilité économique.