L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a confirmé que le sarcophage de Tchernobyl, construit après la catastrophe de 1986 et modernisé via le projet New Safe Confinement (NSC), a perdu ses fonctions de confinement primaire à la suite d’une frappe de drone explosive. L’attaque a provoqué un impact structurel visible sur la couverture extérieure du site, sans affecter les structures porteuses internes ni les dispositifs de surveillance, selon le rapport publié par l’agence.
Un site nucléaire sous pression militaire directe
L’infrastructure, dont la conception prévoyait une durée de vie de 100 ans, a été endommagée dans une zone périphérique abritant des équipements techniques. Le projectile, de type drone explosif, a perforé la toiture et provoqué un trou estimé à six mètres de diamètre. Les équipes ukrainiennes ont ensuite ouvert plus de 300 points d’accès secondaires pour maîtriser un début d’incendie, aggravant l’exposition aux éléments extérieurs. Ces opérations ont fragilisé l’enveloppe du bâtiment, compromettant son étanchéité et augmentant les risques de corrosion accélérée.
La BERD relance un financement exceptionnel sur un actif clôturé
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), qui avait coordonné plus de €2,1bn ($2.3bn) de financements internationaux pour la construction du NSC, a confirmé son engagement à soutenir les réparations à partir de 2026. L’Ukraine, désormais seule responsable opérationnelle du site depuis 2019, doit assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux sous contrainte sécuritaire élevée. La planification prévoit des mesures temporaires dès 2025, notamment un re-bardage partiel et l’installation de membranes de protection.
Les entreprises du nucléaire appelées à reconfigurer leurs standards
Le consortium Novarka, composé de Vinci Construction Grands Projets et de Bouygues Travaux Publics, avait conçu le NSC pour résister à des aléas naturels et industriels, mais non à des attaques répétées par drones. Cet épisode marque un changement dans les hypothèses de conception. Les futures enceintes de confinement nucléaire devront intégrer des menaces asymétriques, tant sur le plan structurel que sécuritaire, avec des dispositifs passifs et actifs de protection.
Répercussions sur l’assurance et les bailleurs multilatéraux
La requalification d’un site civil comme cible militaire impose une révision des modèles assurantiels. Les assureurs et réassureurs internationaux pourraient revoir les clauses des polices “dommages aux ouvrages” pour y inclure explicitement les exclusions en cas d’actes de guerre. Ce changement pèserait sur les États et les bailleurs, exposés à une hausse des charges de garantie dans les zones de conflit. La BERD pourrait, de son côté, être amenée à réévaluer ses critères d’éligibilité pour les projets à composante nucléaire.
Une pression géopolitique sur les infrastructures critiques
L’attaque de Tchernobyl s’inscrit dans une série d’incidents visant des infrastructures énergétiques ukrainiennes depuis le début du conflit. Le ciblage d’un site emblématique et financé par des donateurs internationaux constitue un signal stratégique adressé aux alliés occidentaux. Le risque de dispersion radioactive, bien que faible à court terme, pourrait s’aggraver en cas de nouvel incident ou de conditions climatiques extrêmes, affectant potentiellement des pays voisins comme la Biélorussie ou la Pologne.
Vers une adaptation des doctrines industrielles et diplomatiques
L’AIEA, qui ne dispose d’aucun pouvoir coercitif, a acté la dégradation du NSC comme un précédent international. Ce constat pourrait relancer les discussions au sein de l’Union européenne et de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) sur la création de régimes de protection spécifiques pour les infrastructures nucléaires en temps de guerre. L’enjeu porte à la fois sur la sécurisation des installations existantes et sur l’intégration de standards renforcés dans les projets futurs.