Le directeur de l’entreprise publique ukrainienne, Naftogaz Ukrayiny, a averti que l’interruption des activités des stations de compression dans les zones occupées par Moscou pourrait entraîner la perte d’un tiers des volumes de gaz russe transitant vers l’Europe.
L’Ukraine redoute une diminution du gaz russe
Le PDG de Naftogaz, Yuriy Vitrenko, indique :
« Nous estimons qu’un tiers du volume de gaz exporté de la Russie vers l’UE via l’Ukraine sera perdu si les forces d’occupation ne cessent pas de perturber le fonctionnement de nos stations dans les territoires récemment occupés. »
Néanmoins, les livraisons de gaz russe via le réseau ukrainien n’ont pas été affectées depuis l’invasion de Moscou, le 24 février.
Cependant, l’opérateur de réseau public GTSOU a averti que l’action russe dans une station de compression de gaz clé dans la région de Loughansk, dans l’est de l’Ukraine, mettait en danger le transit du gaz russe vers l’Europe.
Près d’un tiers du gaz russe transitant par l’Ukraine passe par la station de compression de Novopskov, sur le gazoduc Soyouz, à la frontière avec la Russie.
Le GTSOU a enregistré des changements dans le fonctionnement des équipements de communication et des pratiques technologiques. Selon lui, cela pourrait entraîner la perte du contrôle opérationnel des équipements de la station de compression.
L’opérateur de réseau public a exhorté la Russie à s’abstenir de toute nouvelle ingérence dans les opérations de la centrale.
Payer le gaz russe sur des comptes séquestres ?
Le 23 avril, Y. Vitrenko a appelé à un embargo complet de l’UE sur les importations d’énergie russe. Toutefois, il comprend les inquiétudes de l’Allemagne quant à l’impact d’une telle mesure.
Par ailleurs, des responsables allemands et des institutions financières préviennent que l’interdiction des importations de gaz russe entraînerait une récession en Allemagne.
Le PDG de Naftogaz souligne néanmoins qu’il est possible de trouver des solutions raisonnables :
« Une initiative pourrait être d’acheter du gaz à la Russie, mais de geler le paiement pendant un certain temps et de le transférer sur des comptes séquestres hors de Russie. Une autre option serait d’imposer des tarifs supplémentaires sur le gaz importé pour le rendre encore plus cher. »
Il ajoute :
« Cela obligerait les entreprises allemandes à innover. Pourquoi les entreprises allemandes n’empruntent-elles pas cette voie de l’innovation au lieu de s’en remettre au gaz russe bon marché ? L’Allemagne en a le potentiel, après tout. La dépendance de l’Allemagne au gaz russe est exagérée. »
Il estime que les dirigeants allemands donnent l’impression que la compétitivité allemande repose uniquement sur le gaz russe bon marché.
De plus, il déclare :
« C’est une insulte aux compétences de l’Allemagne en matière d’ingénierie. Après tout, l’Allemagne était un pays prospère avant que le gaz russe bon marché ne soit inventé. »
Pays de transit du gaz russe
Malgré les inquiétudes de Naftogaz, le russe Gazprom déclare qu’il continuait à fournir du gaz russe par l’Ukraine. Il répond ainsi aux demandes des consommateurs européens.
Les livraisons via l’Ukraine ont atteint jusqu’à 110 millions de m3/j ces dernières semaines. Ces chiffres sont conformes aux obligations contractuelles de la société russe dans le cadre de son accord de transit de cinq ans avec l’Ukraine, signé en décembre 2019.
Selon cet accord, Gazprom a accepté de faire transiter 65 milliards de m3 de gaz via l’Ukraine en 2020. Ce montant diminue à 40 milliards de m3/an pour la période 2021-2024. Cela reste cependant bien inférieur à un récent pic de transit de 94 milliards de m3 en 2017.
L’invasion a déclenché de fortes augmentations des prix au comptant en Europe. Cela a rendu le gaz contractuel de Gazprom plus compétitif par rapport au gaz des hubs européens. Cependant, les flux russes via l’Ukraine ont atteint les niveaux contractuels au cours du mois de mars.
Toutefois, depuis le 8 avril, les livraisons ont été beaucoup plus faibles après que les prix spot européens sont tombés bien en dessous de 100 €/MWh. Ceci a rendu le gaz des plateformes plus compétitif par rapport au gaz russe fourni dans le cadre de contrats à long terme.
Le contrat day-ahead TTF a été fixé à 92,03 €/MWh le 22 avril, selon la dernière évaluation Platts de S&P Global Commodity Insights, après avoir atteint un niveau record de 212 €/MWh le 7 mars.
Aussi, Gazprom a maintenu que sa priorité était de respecter ses obligations envers les détenteurs de contrats à long terme.
En 2021, le géant gazier russe a livré 41,6 milliards de m3 de gaz à travers l’Ukraine, après avoir complété ses obligations contractuelles par des réservations à plus court terme.