Selon Anadolu citant des responsables turcs, “certaines compagnies internationales ont annulé la couverture de nombreux bâtiments en raison des sanctions imposées à la Russie” depuis le début de la guerre contre l’Ukraine. La décision d’Ankara correspond à l’entrée en vigueur de l’embargo européen sur le pétrole russe, accompagné d’un prix plafond de 60 dollars au plus, qui interdit aux pays de l’Union européenne, du G7 et à l’Australie de fournir quelque service que ce soit aux pétroliers transportant du brut russe, y compris de les assurer. Les pays du G7 fournissent les prestations d’assurance pour 90% des cargaisons mondiales.
“Nous voulons nous assurer de leur couverture, parce qu’ils ont commencé à la dissimuler”, a indiqué une source officielle à l’AFP, confirmant des informations de l’agence de presse officielle turque Anadolu. Cette demande remonte au 1er décembre, a précisé cette source.
Le site spécialisé « TheTankerTracker.com « a rapporté tôt mercredi que les exportations par voie maritime de pétrole russe avaient été réduites de moitié durant les dernières 48 heures.
Selon Anadolu, les responsables turcs suspectent les assureurs occidentaux de double jeu: “ils espèrent que la Turquie laissera passer les bateaux même sans garantie, ainsi ils pourront à la fois se conformer aux sanctions internationales et à leurs responsabilités envers leurs clients”.
Pour Yörük Isik, spécialiste du suivi des mouvements des navires sur le Bosphore et dans la région, la Turquie exige désormais la présentation d’une “assurance protection et indemnisation” (P&I) pour tous les navires en provenance de ports russes. Ce type d’assurance couvre des risques allant des guerres aux dommages environnementaux pour des montants qui peuvent être colossaux. Or, les assureurs occidentaux refusent de fournir, par écrit à chaque bateau, un “engagement général à couvrir tout ce qui se passe dans le Bosphore”, comme la Turquie l’exige et contrairement aux assureurs “russes (qui) ont tout juste commencé” à le faire, affirme Yörük Isik.
“Nous sommes donc dans une situation où, de facto, les armateurs les plus honnêtes, les plus réputés, ne peuvent plus transiter” par les détroits turcs, souligne-t-il.
Dans un communiqué, l’International Group of P&I Clubs –associations professionnelles de mutualisation du risque–, qui estime couvrir la quasi-totalité du transport maritime mondial, rapporte qu’après avoir “évalué en détail la situation, les Clubs ont décidé qu’ils ne pouvaient délivrer une telle lettre”.
Car, justifie-t-il, “délivrer une telle lettre, en ces circonstances, reviendrait à violer les sanctions européennes, américaines et britanniques”, en particulier celles entrées en vigueur le 5 décembre fixant un prix plafond pour le pétrole russe.
Le Bosphore, qui relie la mer Noire à la mer de Marmara, et le détroit des Dardanelles, qui débouche en mer Egée, sont les voies de passage obligées pour les pétroliers en provenance de Russie comme pour les cargos qui assurent depuis l’été dernier le transport des céréales ukrainiennes dans le cadre d’un accord impliquant la Turquie, l’Ukraine, la Russie et les Nations unies. En vertu de la Convention de Montreux (1936), le contrôle des mouvements dans ces deux détroits a été confié à la Turquie. Depuis 2002, la Turquie exige de tout navire les empruntants d’être couvert par une assurance sous peine de se faire interdire le passage.