Le Bureau of Ocean Energy Management (BOEM) a annoncé mercredi la révocation de plus de 3,5 millions d’acres (1,4 million d’hectares) de zones éoliennes offshore sur le plateau continental américain. Cette décision s’inscrit dans la politique de l’administration Trump visant à mettre fin au traitement préférentiel des sources d’énergie jugées peu fiables et contrôlées par des rivaux étrangers. La mesure fait suite à un mémorandum présidentiel de janvier gelant les approbations fédérales pour tous les projets éoliens offshore en attente d’un examen fédéral. Les zones annulées s’étendent du Golfe d’Amérique au Golfe du Maine, en passant par le New York Bight, la Californie, l’Oregon et l’Atlantique central.
Impact économique sur un secteur en pleine expansion
Cette décision intervient alors que l’industrie éolienne offshore américaine représente un marché de 120 000 emplois et attire des dizaines de milliards de dollars d’investissements annuels. L’objectif fixé par l’administration Biden de déployer 30 gigawatts (GW) d’éolien offshore d’ici 2030, suffisant pour alimenter 10 millions de foyers, se trouve directement compromis. Les analystes du secteur estiment que cette capacité aurait généré 77 000 emplois directs et indirects, avec 12 milliards de dollars d’investissements en capital par an. L’American Clean Power Association évalue à 17 000 le nombre d’emplois déjà menacés par les projets annulés ou suspendus depuis l’ordre exécutif de janvier.
Les revenus fédéraux potentiels sont également affectés. Les enchères de zones éoliennes offshore avaient généré des montants records, notamment 4,37 milliards de dollars pour le New York Bight en 2022 et 405 millions de dollars pour les zones du Massachusetts en 2018. Wood Mackenzie estimait que les futures enchères auraient pu rapporter entre 1,6 et 2,7 milliards de dollars au Trésor américain sur quatre ans, plus 1,1 à 1,8 milliard en loyers et frais d’exploitation.
Projets majeurs suspendus et chaîne d’approvisionnement compromise
Plusieurs projets d’envergure se trouvent directement impactés. Empire Wind au large de New York, d’une capacité de 2 200 mégawatts (MW) destinée à alimenter 700 000 foyers, voit sa construction suspendue. Revolution Wind, premier projet multi-états entre Rhode Island et Connecticut d’une capacité de 704 MW pour 350 000 foyers, fait face à des retards potentiels de quatre ans. Les projets californiens totalisant 4,5 GW dans les zones de Humboldt et Morro Bay sont remis en question, tout comme les 195 000 acres au large de l’Oregon destinés à la technologie d’éolien flottant.
La chaîne d’approvisionnement nationale subit des répercussions immédiates. Le développement du secteur nécessitait 22,4 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures domestiques, incluant la construction de quatre à six navires d’installation spécialisés, chacun représentant un investissement de 250 à 500 millions de dollars. Dix nouvelles usines de fabrication de composants étaient prévues, ainsi que des améliorations portuaires évaluées à 500 millions à 1 milliard de dollars. Prysmian Group a déjà abandonné ses plans de construction d’une usine de câbles sous-marins au Massachusetts, qui aurait créé 350 emplois.
Position américaine sur le marché mondial de l’éolien
Les États-Unis risquent de céder leur position dans un marché évalué entre 1 800 et 2 465 GW d’ici 2050, représentant potentiellement 13% de la demande électrique mondiale. L’éolien constitue actuellement 10% de la production électrique américaine. La Chine et l’Europe continuent leurs investissements massifs dans le secteur, avec la Grande-Bretagne projetant 30 GW de capacité offshore, deuxième derrière la Chine.
Treize états américains avaient établi des objectifs totalisant plus de 112 GW d’éolien offshore d’ici 2050. New York visait 9 GW d’ici 2035, le New Jersey 11 GW d’ici 2040. Ces objectifs s’alignaient sur l’engagement de l’administration précédente d’atteindre 110 GW d’ici 2050, incluant 15 GW d’éolien flottant d’ici 2035.
Réactions du secteur et implications réglementaires
Dix-sept états ont intenté des poursuites contre l’ordre exécutif, arguant une violation des processus réglementaires établis. Le National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) et le Marine Mammal Commission maintiennent qu’aucune preuve scientifique ne lie les activités éoliennes offshore aux mortalités de baleines, contrairement aux affirmations de l’administration. Les données scientifiques identifient les collisions avec les navires et l’enchevêtrement dans les équipements de pêche comme causes principales documentées de mortalité des mammifères marins.
L’industrie souligne l’incohérence avec la politique de dominance énergétique américaine prônée par l’administration. Les développeurs européens comme Ørsted, Equinor et les coentreprises impliquant Shell, BP et TotalEnergies réévaluent leurs investissements américains. Les crédits d’impôt de l’Inflation Reduction Act, essentiels à la viabilité économique des projets, font face à une incertitude croissante. Cette décision positionne les États-Unis à contre-courant du développement énergétique mondial, alors que les besoins en électricité augmentent avec l’expansion des centres de données et de l’intelligence artificielle.