Qu’on apprécie ou non l’homme politique, si l’on se positionne en observateur objectif, on constate aisément que Donald Trump a transposé à la Maison Blanche sa stratégie de businessman expérimenté, fondée sur le rapport de force permanent et l’incertitude maîtrisée. Depuis son premier mandat (2016-2020), il a imposé des tarifs douaniers significatifs, notamment sur l’acier et l’aluminium importés, impactant directement les industries énergétiques nord-américaines. Cette approche offensive visait officiellement à protéger les intérêts industriels des États-Unis tout en imposant des conditions favorables à ses futures négociations commerciales. Les répercussions immédiates furent une hausse des coûts de production pour les entreprises énergétiques américaines et une redéfinition des échanges commerciaux avec le Canada et le Mexique.
Une politique douanière offensive lors du premier mandat
Dès 2018, Trump applique des tarifs douaniers de 25 % sur l’acier et 10 % sur l’aluminium en provenance du Canada et du Mexique. Ces mesures entraînent des conséquences directes, telles que l’augmentation significative des coûts pour des projets énergétiques stratégiques comme les pipelines Keystone XL ou les infrastructures électriques transfrontalières. Le Canada, par exemple, voit ses exportations d’acier vers les États-Unis chuter de 17 % dès l’année suivante, selon le Département américain du Commerce. En parallèle, les entreprises américaines absorbent des surcoûts estimés à plus de 5,6 milliards de dollars en 2018, selon le Peterson Institute for International Economics, une conséquence directe de ces décisions tarifaires.
Cette stratégie offensive s’est concrétisée avec la renégociation réussie de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (United States-Mexico-Canada Agreement – USMCA), remplaçant l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Ce nouvel accord a permis aux États-Unis de redéfinir en profondeur les règles commerciales régionales, assurant un avantage stratégique notable à l’industrie énergétique américaine, particulièrement sur les hydrocarbures.
Trump et le contrôle indirect des cours pétroliers
Durant son premier mandat, Trump démontre également sa capacité à influencer directement l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (Organization of the Petroleum Exporting Countries – OPEC). Alors que son successeur Joe Biden rencontrera des difficultés à obtenir une réponse immédiate auprès de l’OPEP, Trump obtenait des ajustements rapides de production pétrolière à la suite de simples déclarations publiques. Par exemple, en avril 2020, ses interventions directes ont contribué à stabiliser le marché pétrolier mondial, faisant passer le prix du baril de Brent de près de 20 USD à environ 30 USD en quelques semaines.
Cette capacité à influencer rapidement et efficacement le marché mondial témoigne de la maîtrise particulière qu’exerçait Trump sur les dynamiques économiques de l’énergie, le distinguant nettement de ses prédécesseurs. Cette influence lui permettait non seulement de protéger les intérêts pétroliers américains, mais aussi d’orienter subtilement les cours mondiaux au gré de ses stratégies économiques et diplomatiques.
Second mandat : vers une stratégie de bluff maîtrisée ?
Depuis son retour au pouvoir, Trump semble adopter une approche plus subtile et ambiguë, en contraste avec son style offensif initial. Sa récente annonce de surtaxes élevées sur les importations canadiennes et mexicaines, prévue initialement au premier trimestre 2025, a été reportée à plusieurs reprises, créant ainsi une incertitude économique prolongée sur les marchés nord-américains. En réaction directe, l’Ontario a instauré une surtaxe exceptionnelle de 25 % sur ses exportations électriques vers les États-Unis, une mesure prévisible immédiatement exploitée par Trump, qui promet désormais une réponse strictement proportionnelle à cette initiative canadienne.
Cette méthode de négociation indirecte semble désormais être au cœur de la stratégie de Trump : provoquer ses partenaires commerciaux à réagir les premiers, lui permettant ensuite de se positionner comme défenseur plutôt que comme initiateur de conflits économiques. Ce positionnement réduit sa responsabilité politique immédiate tout en maximisant les bénéfices économiques potentiels pour les États-Unis.
Guerre commerciale sino-américaine : modèle ou exception ?
Durant son premier mandat, Trump avait aussi engagé une guerre commerciale sans précédent contre la Chine, notamment en imposant des tarifs douaniers massifs sur 360 milliards USD de produits importés, y compris les terres rares essentielles à l’industrie technologique et énergétique américaine. Après une période d’instabilité économique significative, cette confrontation s’est soldée fin 2019 par la signature d’un accord commercial partiel (« phase 1 »), laissant toutefois la majorité des tarifs douaniers initiaux en vigueur. Les importations chinoises soumises à des droits de douane avaient ainsi augmenté en moyenne de 25 % à cette époque, modifiant durablement les relations commerciales bilatérales.
Cette stratégie mêlant confrontation initiale forte et négociation partielle finale pourrait être aujourd’hui reproduite avec les partenaires nord-américains des États-Unis. L’évolution récente des tarifs douaniers annoncés, puis régulièrement reportés vis-à-vis du Canada et du Mexique, confirme l’existence d’une stratégie complexe, basée à la fois sur le bluff et la réaction anticipée des acteurs économiques et politiques impliqués.