La transition énergétique fut l’objet principal de la dernière assemblée annuelle du Groupe Banque Mondiale et du FMI. Alors que les prix mondiaux de l’électricité s’envolent, cette dynamique est au centre des réflexions stratégiques.
La transition énergétique met la pression sur les systèmes
Depuis plusieurs semaines, le monde subit une forte volatilité du prix de l’énergie. Les causes de cet affolement des marchés sont multiples, mais la transition énergétique est au cœur de cette instabilité. L’abandon progressif du charbon et du pétrole contraint les économies à utiliser plus de renouvelable et de gaz.
Cette convergence des économies vers un mix énergétique plus durable est en partie responsable de la crise énergétique actuelle. De nombreux pays se posent désormais la question des conséquences d’une transition rapide vers des économies décarbonées.
La diplomatie énergétique mise à l’épreuve
En Europe, la Pologne et la Hongrie appellent l’Union Européenne à abaisser ses exigences pour la transition énergétique. En Asie, la Chine a brutalement augmenté ses importations de charbon au point de renouer des liens avec l’Australie. L’Inde, quant à elle, menace l’OPEP d’accélérer sa transition du pétrole vers plus de gaz et de charbon.
L’assemblée du Groupe Banque Mondiale (GBM) et du FMI, conscient de la situation, s’est longuement attardée sur l’impact de cette transition énergétique. Si les experts s’accordent sur le bénéfice de la décarbonisation, la transition va cependant bouleverser les équilibres actuels.
L’ère des métaux rares
Sans surprise, les pays dépendants des énergies fossiles sont les premiers impactés. La diminution progressive de la demande en hydrocarbure va profondément impacter leurs revenus d’exportation. À l’inverse, les pays riches en métaux seront les grands bénéficiaires. La demande croissante en batterie pour les énergies alternatives dépendantes au lithium, nickel ou cobalt, sera un véritable effet d’aubaine.
Il faut donc s’attendre à un renversement des tendances où les métaux remplaceraient les hydrocarbures en termes de valeurs financières. Mais de la même manière que le pétrole, les métaux deviendraient une source de tension géopolitique majeure. En outre, des tensions existent déjà, notamment avec la Chine qui dispose d’un quasi-monopole sur la majorité des métaux stratégiques.
Les pays émergents toujours perdants
Si certains États rentier ont la possibilité de s’adapter à la transition énergétique par diversification, ce n’est pas le cas de tous. Certaines économies sont dépendantes des hydrocarbures pour sortir d’une économie de subsistance. L’abandon du charbon et du pétrole pourrait mettre un coup d’arrêt à leurs développements.
Pour Patrick Pouyanné, président de TotalEnergies, des pays risque de se retrouve confisqué de leur seule source de prospérité. Sans une gouvernance internationale équitable, la transition risque d’aggraver les inégalités.
« Dire aux pays en développement « laissez vos ressources dans le sol » sans les compenser […]l’offre des pays occidentaux ne serait équitable que s’ils disaient à ces pays… vous obtiendrez tous les revenus. » Patrick Pouyanné, directeur de TotalEnergies.
Un impact social prévisible
Dans un rapport de l’Agence Internationale de l’Énergie de 2021, l’organisation interpelle sur l’impact de la transition énergétique sur le marché du travail. Si l’étude insiste sur la création de près de 13 millions d’emplois, elle précise aussi la disparition de 2,5 millions. Les renouvelables nécessitant des compétences spécifiques, le passage d’une industrie fossile au renouvelable ne seront pas automatiques en terme d’emploi.
Le rapport estime ainsi la perte à 2 millions dans l’industrie du charbon et 500.000 pour le pétrole. Sachant ce qu’a représenté la sauvegarde des emplois du charbon dans l’élection de Donald Trump aux États-Unis, l’impact politique n’a rien de négligeable.
La répartition inégale des hydrocarbures dans le monde risque d’affecter davantage certains pays, principalement émergents. Pour de nombreux pays, la transition s’apparente à un risque malgré les bénéfices globaux.
Une reconfiguration de la géopolitique de l’énergie
L’énergie est aussi un outil géopolitique important pour de nombreux pays. Citons l’Arabie Saoudite qui, depuis 1945, monnaies son pétrole en échange de la protection américaine. Plus récemment, la Russie, qui utilise son monopole gazier pour assoir ses intérêts en Europe.
L’autonomie énergétique qu’implique la transition énergétique sera inévitablement synonyme d’une reconfiguration des dynamiques dans les relations internationales. La Russie et la Chine se sont notablement engagés dans une course vers de nouveaux monopoles énergétiques. La Chine, qui possède plus de 80% des terres rares connues, ambitionne de devenir le leader mondiale de la batterie. La Russie a déclaré vouloir devenir un géant de l’hydrogène en anticipation d’une perte de compétitivité du gaz.
Le tableau dressé peut sembler pessimiste, la transition énergétique serait autant menacé que menaçante du fait de son caractère disruptif. Mais les rapports de l’IEA et du GBM sont formels : les bénéfices surpassent les difficultés. De nombreuses entreprises du secteur des hydrocarbures sont déjà engagées dans cette direction porteuse d’opportunité.