« Un scénario possible » : TotalEnergies n’écarte pas l’idée de devoir quitter complètement la Russie sous l’effet des sanctions européennes, après avoir déjà dû renoncer au projet de gaz liquéfié Arctic LNG 2, affectant en partie ses florissants résultats trimestriels.
Le géant français a annoncé jeudi un bénéfice net de 4,9 milliards de dollars au premier trimestre, porté par la flambée des prix du gaz et du pétrole. Il a aussi dû inscrire dans ses comptes une dépréciation de 4,1 milliards de dollars concernant plusieurs actifs russes, dont sa participation au projet Arctic LNG 2, entravés par le durcissement des sanctions contre Moscou.
Ce gigantesque site de production Arctic LNG 2, dont TotalEnergies détient 10%, devait réaliser sa première livraison de GNL depuis la Sibérie en 2023. “Nous n’avons jamais dit que nous resterions en Russie. Nous n’avons simplement pas dit que nous en partirions, c’est un peu différent”, a déclaré le PDG du groupe Patrick Pouyanné, lors d’un échange avec des analystes financiers.
Désormais, “notre activité en Russie tourne essentiellement autour du GNL venu de Yamal LNG. Le volume sur ce contrat est énorme, il représente beaucoup d’argent et nous devons l’honorer tant que les sanctions nous permettent de le faire”, a-t-il ajouté. “Le conseil d’administration a décidé d’aborder la situation russe de manière responsable, en particulier pour tenter de protéger autant que possible la valeur des actifs, dans l’intérêt de nos actionnaires”, a expliqué le patron, insistant sur l’importance de ce site de production sibérien dont TotalEnergies détient 20%.
Dans le même temps, l’entreprise, qui avait déjà dégagé en 2021 des profits jamais vus depuis au moins 15 ans, a profité ce trimestre d’une nouvelle hausse des cours de l’énergie. À 9 milliards de dollars, son bénéfice net ajusté (qui sert de référence car excluant les événements exceptionnels tels que les dépréciations) a ainsi triplé par rapport au 1er trimestre 2021. “Le rebond des prix de l’énergie constaté au second semestre 2021 s’est amplifié au premier trimestre 2022 à la suite de l’agression militaire de l’Ukraine par la Russie, avec des prix du pétrole dépassant les 100 dollars le baril et des prix du gaz en Europe et en Asie historiquement élevés”, souligne Patrick Pouyanné.
La flambée, entamée l’an dernier sur fond de reprise mondiale et de production limitée de certains pays, est encore alimentée par le contexte de guerre en Ukraine. Le baril de Brent de la mer du Nord valait ainsi 70,9 dollars le baril en 2021, contre 41,8 dollars l’année précédente, il est à 102,2 ce trimestre.
Besoins européens en GNL
Au vu des liquidités dégagées, la compagnie a annoncé qu’elle allait “racheter jusqu’à 3 milliards de dollars d’actions au premier semestre”. La division production-exploration affiche un résultat de 5 milliards de dollars, 2,5 fois supérieur sur un an, et en hausse de 42% par rapport au dernier trimestre 2021. Les activités Raffinage et chimie, à 1,12 milliard, ont plus que quadruplé leurs profits. Les ventes de gaz naturel liquéfié (GNL) sont en hausse de 34%, “soutenues par le fort appel de GNL en Europe” qui cherche à se détourner du gaz russe.
TotalEnergies est déjà engagé dans une diversification de ses sources de GNL (Louisiane, Mozambique…). “Pouvons-nous trouver d’autres opportunités pour remplacer ces volumes (de Yamal, ndlr) ? Je pense que la réponse est assez claire: oui”, a dit M. Pouyanné, avec notamment des actifs à développer. “Je ne m’attends pas à une rupture de notre profil de croissance dans le GNL, même si nous devions quitter complètement la Russie, ce qui n’est pas aujourd’hui [le cas], mais qui est un scenario possible.”
TotalEnergies produit en Russie 16,6% de ses hydrocarbures. “La Russie est importante en termes de volumes, mais représente seulement une part très limitée de nos revenus et de nos liquidités”, assure M. Pouyanné.