Le groupe TotalEnergies a annoncé la cession de 40 % de ses parts dans les permis d’exploration offshore PPL 2000 et PPL 2001 à Chevron, par l’intermédiaire de sa filiale Star Deep Water Petroleum Limited. Ces deux blocs, situés dans le bassin offshore du West Delta au large du Nigeria, sont désormais détenus par un consortium réunissant TotalEnergies (40 %, opérateur), Chevron (40 %) et South Atlantic Petroleum (SAPETRO, 20 %).
Une structure d’actif rééquilibrée pour limiter le risque
Attribués en 2024, ces permis ont été convertis en contrats de partage de production (PSC) en septembre 2025, dans le cadre de la mise en œuvre du Petroleum Industry Act (PIA) nigérian. Le programme de travail prévoit au moins un puits d’exploration ferme, ce qui expose les partenaires à un investissement initial conséquent. Par cette opération de « farm-out », TotalEnergies réduit son exposition financière et géologique, tout en restant en contrôle des opérations.
La présence combinée de deux supermajors dans un même projet pourrait faciliter l’accès à des financements compétitifs, notamment si des synergies avec des installations existantes sont identifiées. SAPETRO, partenaire local historique, bénéficie d’une alliance renforcée avec des acteurs internationaux, bien que son influence dans la gouvernance du projet soit désormais moindre.
Le Nigeria, vitrine du nouveau cadre réglementaire
Ce partenariat s’inscrit dans la stratégie du Nigeria de relancer l’intérêt des investisseurs pour son offshore profond. Les autorités nigérianes, via la Nigerian Upstream Petroleum Regulatory Commission (NUPRC), utilisent ces nouveaux blocs comme terrain de démonstration pour leur politique énergétique post-PIA. Le cadre réglementaire actuel offre une fiscalité allégée pour le deepwater, avec des exigences environnementales codifiées dans l’Upstream Petroleum Decarbonisation Template (UPDT).
Chevron renforce ainsi sa présence dans un pays stratégique, en diversifiant son portefeuille au-delà du champ d’Agbami. Pour TotalEnergies, cette cession partielle s’ajoute à une série de mouvements visant à optimiser son exposition nigériane, après la montée à 90 % dans OPL 257 et la vente de sa part dans le champ de Bonga.
Une dimension géopolitique et sectorielle marquée
La consolidation de la présence occidentale dans le deepwater nigérian intervient alors que le pays cherche à se positionner comme alternative aux producteurs soumis à sanctions. Le Nigeria n’est pas visé par des embargos sur les hydrocarbures, mais les sociétés opérant sur place restent soumises à des obligations strictes de conformité aux normes internationales (FCPA, UK Bribery Act). L’entrée de Chevron, entreprise américaine, renforce l’ancrage géopolitique des États-Unis face à la montée des intérêts chinois dans la région.
À moyen terme, ces permis pourraient devenir des hubs de production majeurs si des découvertes sont confirmées. La proximité géographique avec d’autres infrastructures offshore existantes permettrait d’envisager des développements via des raccordements (tie-backs) plutôt qu’un déploiement autonome, optimisant ainsi les coûts d’investissement.
Implications financières et industrielles pour les partenaires
Pour TotalEnergies, l’accord permet de libérer du capital tout en maintenant une exposition stratégique à l’upside géologique. La société peut ainsi renforcer sa discipline d’investissement en concentrant ses ressources sur les projets où elle détient davantage de contrôle. Pour Chevron, cette entrée constitue une option de croissance modulaire dans une province qu’elle connaît, sans obligation immédiate de CapEx élevé.
Enfin, l’opération devrait dynamiser la chaîne d’approvisionnement locale, les exigences de contenu local étant strictes au Nigeria. Les grandes entreprises de services parapétroliers devraient bénéficier à terme de nouvelles opportunités, en particulier dans les domaines du forage, des équipements subsea et des unités flottantes de production.