TotalEnergies subit des accusations de « complicité de crimes de guerre » en raison de la poursuite de ses activités en Russie. Celles-ci émanent d’abord du candidat EELV à la présidentielle française, Yannick Jadot, visé par une plainte en diffamation. Pour y répondre, l’entreprise décide d’éclaircir ses principes d’action sur le territoire russe. En complément, Total annonce également plusieurs mesures complémentaires afin de prendre ses distances avec la Russie.
Total s’engage à de nouvelles mesures contre la Russie
En premier lieu, Total réaffirme sa condamnation la plus ferme à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Elle souligne les conséquences humanitaires importantes de celle-ci pour la population ukrainienne. L’entreprise rappelle également qu’une telle guerre menace la sécurité énergétique en Europe de façon générale.
Partant de ce principe, Total répond aux attaques de Yannick Jadot en définissant de nouveaux principes d’action. Ceux-ci ont pour objet de régler les nouveaux rapports de l’entreprise avec la Russie. L’entreprise évoque pareillement un certain nombre de faits, supposés la disculper des accusations portées à son encontre.
L’entreprise française poursuit la politique de sanctions européennes
Tout d’abord, Total entend s’assurer du strict respect des sanctions européennes, actuelles comme futures. L’entreprise dit s’y engager quelles que soient les conséquences pour la gestion de ses actifs en Russie. Elle projette en outre de suspendre progressivement ses activités dans le pays. Toutefois, elle désire engager ce processus tout en veillant à la sécurité de son personnel.
Total constitue un actionnaire minoritaire au sein de diverses sociétés russes du secteur énergétique. Celles-ci représentent par exemple : Novatek (19,4 %), Yamal LNG (20 %), Arctic LNG 2 (10 %), TerNefteGaz (49 %). L’entreprise dit ne posséder qu’un nombre limité de détachés dans le cadre de ses activités en Russie.
En effet, seuls 11 collaborateurs de Total travaillent pour ces diverses sociétés. Il ne lui reste en outre que 3 expatriés détachés en Russie. Aussi, Total pointe du doigt le fait qu’elle n’opère aucun champ pétrolier ou 3ier en Russie. Ce constat vaut pareillement pour ses usines de GNL.
Jadot, lui, maintient ses accusations en dépit de ces rappels. Le candidat à la présidentielle, crédité à 5% des intentions de vote selon l’IFOP, déclare :
« Le groupe Total travaille avec des partenaires russes qui sont très liés au plus haut sommet de l’État poutinien ».
Total cesse d’investir dans ses projets en Russie, mais n’envisage pas de s’en retirer pour autant
De surcroît, Total s’engage à ne plus apporter de capital pour le développement de ses projets en Russie.
Ici, l’entreprise aborde plus particulièrement le projet Arctic LNG2. Celui-ci est en cours de construction. Cependant, les sanctions technologiques et financières font d’ores et déjà ralentir le projet gazier. La perspective de nouvelles sanctions ainsi qu’une éventuelle aggravation du conflit mettent Arctic LNG2 au point mort.
En conséquence, Total décide de ne plus apporter de capital à Arctic LNG2. La même politique vaut pour l’ensemble de ses projets en Russie. Il reste néanmoins important de mettre en exergue que l’entreprise ne se retire pas de ceux-ci.
Total tempère son action et assume garder un pied en Russie
Si Total s’engage à respecter le régime de sanctions occidentales, l’entreprise en appelle toutefois à une politique efficace. Ainsi, elle souhaite ne pas inverser le résultat des sanctions en se désengageant trop rapidement de ses activités en Russie.
La loi russe de contrôle des investissements étrangers pose une difficulté à l’efficacité des sanctions. En effet, elle empêche momentanément Total de trouver un acheteur non-russe pour reprendre ses actions dans le pays. Abandonner ses parts contribue donc de facto à enrichir de nouveaux investisseurs russes.
En somme, l’entreprise avance que délaisser ses capitaux en Russie représente une manœuvre contre-productive. Plus que cela, l’effet d’un tel retrait doit potentiellement renforcer Moscou. Dans une de ses sorties, le candidat Jadot insiste pourtant sur sa théorie personnelle selon laquelle :
« Total sait parfaitement que, par ses activités, il contribue à financer des groupes très liés à cette guerre ».
Enfin, se retirer des sociétés russes où Total constitue un actionnaire minoritaire a aussi ses limites. En effet, ces entreprises disposent de leur propre personnel. Elles se gèrent donc actuellement de façon autonome.
Total doit continuer les approvisionnements en gaz russe conformément à la politique européenne
En l’absence d’alternative immédiate, Total doit continuer les approvisionnements européens en gaz russe. L’entreprise explique devoir contribuer à la sécurité énergétique du continent et agir conformément au cadre défini par les autorités européennes en ce sens. Patrick Pouyanné, PDG de TotalEnergies, déclare en ce sens :
« Si nous arrêtons le gaz russe, nous savons qu’à l’hiver 2023 nous avons un problème ».
L’hiver 2023 ne semble en outre pas rentrer dans les priorités de Yannick Jadot. Celui-ci en appelle purement et simplement à un embargo sur le gaz et le pétrole russe. À croire que le candidat ne s’imagine pas passer le printemps 2022.
Total suggère que l’UE n’a pas les mêmes ressources domestiques que d’autres pays occidentaux, comme les Etats-Unis par exemple. Par conséquent, elle récuse la possibilité d’une sortie brutale du gaz russe en Europe.
L’entreprise déclare qu’elle doit continuer l’approvisionnement européen à partir de l’usine de Yamal LNG. Tant que les gouvernements européens l’estiment nécessaire, Total envisage d’honorer ses contrats en Russie.
Le pétrole russe en suspension progressive
A contrario, l’entreprise française prend unilatéralement la décision de ne plus conclure de contrat d’achat de pétrole et de produits pétroliers russes. Pareillement, elle doit cesser de renouveler ceux déjà existants. Total envisage ainsi d’arriver à se couper du pétrole russe d’ici la fin de l’année 2022.
Ces contrats à terme de Total ont essentiellement pour objectif de couvrir l’approvisionnement de la raffinerie de Leuna située à l’est de l’Allemagne. Le pipeline Druzhba en provenance de Russie alimente celle-là.
Total déclare déjà être en concertation étroite avec le gouvernement allemand à ce sujet. L’entreprise espère mettre fin dans les meilleurs délais aux contrats d’approvisionnement de cette raffinerie en pétrole russe. Il lui reste, en somme, à mettre en œuvre des solutions alternatives. Importer du pétrole depuis la Pologne est une des voies qu’elle examine.
Patrick Pouyanné juge les propos du candidat Yannick Jadot insultants. Il commente ainsi :
« Quand Monsieur Jadot accuse les 100 000 salariés de Total de complicité de crime de guerre, c’est gravissime. »
De son côté, le candidat EELV à la présidentielle maintient ses propos, et invite Pouyanné à débattre avec lui. Total décide de répondre en l’attaquant en diffamation.
Le procès risque d’être coûteux pour Yannick Jadot. S’il atteint les 5% aux présidentielles toutefois, le candidat pourra compter sur le remboursement de ses frais de campagne afin de financer sa défense.
La guerre en Ukraine ainsi que la question de la sécurité énergétique européenne et française avivent la campagne présidentielle. Le premier tour de celle-ci a lieu le 10 avril prochain.