Le groupe allemand Thyssenkrupp AG engage une transformation majeure de sa filiale sidérurgique Thyssenkrupp Steel Europe (TKSE), visant à réduire d’environ 25 % sa capacité de production nominale et à supprimer ou externaliser jusqu’à 11 000 postes. Cette restructuration, validée par un accord collectif avec le syndicat IG Metall, doit s’étendre jusqu’en 2030. Le plan permettra d’abaisser les volumes livrables annuels de 11,5 à environ 9 Mt et sert de préalable à une possible vente à Jindal Steel International.
Un recentrage stratégique dicté par la rentabilité
Cette décision intervient après plusieurs tentatives échouées de cession ou de partenariat autour de l’activité acier, jugée trop risquée socialement et financièrement. TKSE a enregistré plus de 3 Md€ de dépréciations d’actifs ces dernières années, ce qui a conduit la maison-mère à qualifier l’unité d’« actif résiduel ». Pour Berlin et Bruxelles, cette restructuration est également une condition implicite au maintien de près de 2 Md€ de subventions destinées au projet de décarbonation tkH₂Steel.
Le projet tkH₂Steel au cœur de l’avenir du site
Ce projet prévoit la mise en service d’un site de réduction directe à hydrogène à Duisbourg, pivot de la transformation industrielle de TKSE. Pour garantir sa viabilité, les investissements doivent être réorientés depuis les hauts-fourneaux classiques vers des technologies bas-carbone, ce qui impose un capex élevé alors que les marges opérationnelles restent sous pression. Les réductions de capacité permettent de maximiser l’utilisation des installations restantes et d’optimiser l’allocation du capital.
Un signal fort envoyé au marché européen de l’acier
La baisse de production affectera directement le marché des coils à chaud en Allemagne et dans le Benelux, sans pour autant inverser la tendance déflationniste à court terme. La demande dans l’automobile et le bâtiment reste faible et les importations asiatiques continuent de peser sur les prix. Toutefois, à moyen terme, la suppression de capacités à hautes émissions dans un contexte de durcissement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) pourrait soutenir les primes pour l’acier bas-carbone.
Une vente à Jindal conditionnée à un “nettoyage” préalable
L’offre non contraignante de Jindal Steel International, adossée à un plan d’investissement de 2 Md€, inclut la reprise des engagements sociaux de TKSE, y compris les passifs de retraite. Ce transfert nécessitera l’approbation des autorités européennes de la concurrence. Le scénario actuel vise à présenter à Jindal une entité déjà redimensionnée, tant sur le plan social qu’industriel, pour éviter les tensions politiques et syndicales post-acquisition.
Enjeux géopolitiques et industriels européens
La cession de l’unique aciérie lourde allemande à un acteur indien reconfigure la géographie stratégique de la production d’acier en Europe. Elle soulève la question du contrôle extra-européen sur un actif soutenu par des fonds publics et lié à la future demande industrielle d’hydrogène. L’Union européenne y voit également un test pour sa capacité à combiner politique climatique et maintien d’une base industrielle locale.