Les terres rares sont un groupe de 17 métaux avec des propriétés luminescentes, catalytiques, électriques, magnétiques et conductrices exceptionnelles. Elles sont essentielles au développement de nombreuses technologies de la transition énergétique. Ainsi, l’Europe et les États-Unis cherchent à réduire leur dépendance vis-à-vis des importations de terres rares. Il est nécessaire de décrypter l’ensemble des enjeux que représente cette ressource.
Une ressource clé dans la transition énergétique
Les métaux du groupe des terres rares sont essentiels au développement des technologies vertes, et notamment dans le processus d’électrification. En effet ils servent en particulier à produire des aimants permanents, éléments clé des moteurs à aimants. Ce type de moteur est principalement utilisé dans les voitures électriques. Rappelons que l’Amérique du Nord et l’Europe ont déjà annoncé qu’ils visaient à électrifier entièrement leur production. Il en va de même pour leurs ventes de véhicules, d’ici à 2030.
En effet, Ryan Castilloux, directeur général d’Adamas Intelligence déclare lors d’une conférence :
« Nous nous attendons à ce que la demande d’ETR triple d’ici 2035, alors que la production ne fera que doubler… car l’Europe et l’Amérique du Nord cherchent à électrifier entièrement leur production et leurs ventes de véhicules peu après 2035. »
De la même manière, les éléments de Terres Rares (ETR), sont également nécessaires dans la confection des tours éoliennes. La demande devrait donc augmenter grandement, tant ces ressources sont essentielles aux efforts de lutte contre le réchauffement climatique. De manière plus globale, les ETR interviennent dans la grande majorité des appareils électroniques de haute technologie.
Une répartition inégale de la production d’ETR
Le principal problème dans l’exploitation et la production d’ETR est le quasi-monopole détenu par la Chine. En effet, Adamas Intelligence estime que la production chinoise représente 63 % de l’extraction mondiale d’oxydes terres rares. Plus encore, elle monopolise la production d’oxydes et d’aimants permanents respectivement à 93 % et 92 %.
Cette situation est problématique pour différentes raisons. Tout d’abord, les États-Unis et l’Europe estiment qu’une dépendance en la matière serait une importante vulnérabilité stratégique. Gary Stanley, directeur de l’Office of Materials Industries du ministère américain du commerce, mets ainsi en garde le gouvernement américain :
« Être dépendant d’une source d’approvisionnement primaire ou secondaire (en minéraux critiques) crée des vulnérabilités stratégiques et cela n’est pas viable ».
Ces propos peuvent être facilement confirmés. En effet, en 2019 la Chine avait notamment utilisé la dépendance américaine dans ce secteur en marge de l’escalade entre les deux pays. Concrètement, les États-Unis dépendent à 80 % des exportations chinoises.
De plus, ce monopole sur le marché des ETR pose également un réel problème à la Chine. En effet, l’exploitation minière de cette matière est complexe et peu respectueuse de l’environnement. Pour cette raison, les producteurs chinois devraient voir leur propre production diminuer. Chen Zhanheng, vice-secrétaire général de l’Association chinoise de l’industrie des terres rares, a par ailleurs récemment déclaré que l’offre avait atteint un « goulet d’étranglement ». Il précise que de nouveaux acteurs doivent se développer hors de Chine.
Une réaction occidentale est attendue
Des intervenants ont déclaré, lors du sommet virtuel Global Rare Earths Summit 2022, que des investissements étaient cruciaux. En effet, il leur semble nécessaire d’ouvrir des mines et des installations de traitement de terres rares, en Europe comme aux États-Unis.
Roland Gaus, responsable de l’innovation chez EIT Raw Materials, une communauté d’innovation paneuropéenne, s’exprime également en ce sens :
« Pour être un leader dans la transition vers l’économie verte, nous devons investir stratégiquement dans la chaîne de valeur complète des matériaux…Aujourd’hui, nous manquons de diverses matières premières et la chaîne de valeur des terres rares est particulièrement préoccupante ».
Selon M. Gaus, des initiatives sont en cours avec des partenaires tels que le Canada. Elles viseraient à diversifier l’approvisionnement en terres rares. Toujours d’après ses dires, une exploitation minière serait capitale à l’Europe. Des projets concrets se développeraient actuellement au Groenland, en Norgvège ou encore en Suède.
Le recyclage des ETR : une solution coûteuse
Il serait légitime de s’interroger sur la viabilité du recyclage de ETR pour assurer l’approvisionnement mondial. Cependant, l’approvisionnement primaire restera pour le moment la source dominante de ces matériaux. Le recyclage n’est en effet pas encore rentable. Il consomme beaucoup d’énergie et ne permet pas d’envisager un stock suffisant de matériaux recyclables. En effet, la durée de vie d’un moteur à aimant est estimée à 20 ans, et la plupart sont fabriqués actuellement.
Filip Kozlowski, PDG de Leading Edge Material, nous éclaire à propos de la rentabilité du recyclage :
« Il faudrait recycler 100 000 IPhones pour obtenir suffisamment d’ETR pour seulement quatre voitures électriques ».
De plus, la Rare Earths Industry Association (REIA) a noté dans une déclaration que la récupération auprès des utilisateurs finaux était inefficace. Elle estime à moins de 5 % la proportion des aimants actuellement recyclés.
Pour conclure, il est donc certain que les ETR représentent un enjeu majeur dans l’avenir de la société contemporaine. Elles sont indispensables à la lutte contre le réchauffement climatique. Leur importance au sein des appareils électroniques et des moteurs électriques, ainsi que la répartition inégale de leur production en font indéniablement une ressource stratégique majeure pour les deux prochaines décennies.