La Commission européenne intègre à sa taxonomie verte un acte délégué complémentaire sur le climat. L’énergie nucléaire et le gaz rejoignent celle-ci au travers d’un cadre et d’exigences spécifiques.
Taxonomie verte et objectifs de l’UE
L’UE a pour objectif de devenir climatiquement neutre d’ici l’horizon 2050. En ce sens, sa taxonomie verte oriente les investissements privés sur les activités nécessaires pour atteindre ce but.
Celle-ci consiste en un système de classement des activités économiques distinguables sous l’étiquette d’investissement durable. Elle comprend ainsi une liste de critères environnementaux détaillés à respecter afin d’obtenir un label vert.
Les règles de la taxonomie verte envisagent trois types d’investissements durables.
Premièrement, ceux qui contribuent substantiellement aux objectifs verts, comme les parcs éoliens. Deuxièmement, ceux qui permettent d’autres activités renouvelables.
C’est par exemple le cas des installations capables de stocker de l’électricité ou de l’hydrogène pour une utilisation ultérieure. Troisièmement, les activités dites de transition.
Dans ce dernier cas de figure, on cible les activités qui ne peuvent pas encore être rendues durables. Toutefois, leurs émissions doivent être inférieures à la moyenne de l’industrie globale.
Ces activités ne doivent pas non plus bloquer les actifs polluants ou évincer les alternatives renouvelables.
Les usines à gaz ainsi que les centrales nucléaires entrent dans ce troisième cas d’activités transitoires.
L’acte délégué complémentaire de la taxonomie verte
La Commission européenne considère que les activités gazières et nucléaires respectent les objectifs climatiques et environnementaux de l’UE. Selon elle, celles-ci doivent accélérer la transition d’activités plus polluantes comme la production de charbon. L’acte délégué complémentaire de la taxonomie verte traite de cette problématique.
Au titre de l’article 10 paragraphes 2 du règlement taxonomie, la Commission fixe les règles par lesquelles le gaz et le nucléaire intègrent sa taxonomie verte.
Ainsi, l’énergie nucléaire doit satisfaire des exigences de sûreté nucléaire environnementale. Le gaz, lui, doit contribuer à la transition du charbon vers les énergies renouvelables.
Plus en détail, les centrales à gaz éligibles au label vert doivent émettre moins de 270g d’équivalent CO2 par kWh. Autrement, on attend d’elles des émissions annuelles inférieures à 550 kg CO2e par kW sur 20 ans.
Pour les centrales nucléaires, celles-ci peuvent obtenir le label d’investissement vert à condition de recevoir leur permis de construction avant 2045. On exige enfin que les pays constructeurs disposent d’un plan et de fonds pour éliminer les déchets radioactifs d’ici 2050.
Mairead McGuiness, cheffe des services financiers de l’UE commente l’acte délégué complémentaire de la taxonomie verte. Elle déclare :
« L’UE s’est engagée à atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 et nous devons utiliser tous les outils à notre disposition pour y parvenir. Accroître l’investissement privé dans la transition est essentiel pour atteindre nos objectifs climatiques. Aujourd’hui, nous fixons des conditions strictes pour aider à mobiliser des financements pour soutenir cette transition, loin des sources d’énergie plus nocives comme le charbon ».
La taxonomie verte à l’épreuve des délibérations politiques européennes
Un certain nombre de résistances politiques émergent en réaction à l’acte délégué complémentaire sur le climat. Les critiques articulent principalement leur argumentaire sur l’idée d’un greenwashing qui s’oppose aux objectifs de décarbonation de l’UE. A contrario, ses partisans défendent l’intégration de l’énergie nucléaire et gazière à la taxonomie verte.
Les pays de l’UE et le Parlement européen ont quatre mois pour débattre de cet acte délégué complémentaire. Un seuil d’une majorité de 20 sur 27 des pays de l’UE peut potentiellement bloquer l’adoption du texte. Pareillement, une majorité de parlementaires qui votent contre celle-ci a aussi ce pouvoir.
Conséquemment, des parlementaires verts de l’UE déclarent faire campagne afin d’atteindre les 353 voix nécessaires pour bloquer la proposition. Ils avancent déjà en avoir près de 250.
Au niveau étatique, plusieurs pays expriment leurs désaccords. Sur le volet nucléaire, l’Autriche menace d’intenter une action en justice concernant le label vert du nucléaire.
D’autres États, comme la France, affirment eux que cette énergie de transition est cruciale pour les objectifs climatiques de l’UE.
Le gaz est également source de discorde. Des pays comme la Pologne et la Bulgarie estiment que les investissements gaziers doivent continuer. Ce positionnement prend appui sur la nécessité d’éliminer progressivement le charbon plus polluant. Néanmoins, le Danemark et l’Irlande déclarent qu’étiqueter les combustibles fossiles comme « verts » sape le leadership écologique de l’UE.
À condition que l’acte délégué complémentaire de la taxonomie verte gagne approbation, ses règles doivent s’appliquer dès janvier 2023. Avant cela, les responsables politiques doivent discuter de l’articulation du gaz et du nucléaire avec les défis énergétiques de l’UE.