Tata Power prévoit de construire une nouvelle unité industrielle capable de produire jusqu’à 10 GW d’ingots et de wafers solaires, comblant ainsi le maillon le plus dépendant de la Chine dans la chaîne de valeur photovoltaïque indienne. Ce projet vient compléter son outil actuel, déjà doté d’une capacité de 4 à 5 GW en cellules et modules, et vise une décision finale d’investissement dans un délai de deux mois.
Un projet aligné sur la politique industrielle indienne
Cette initiative s’intègre dans le dispositif indien de substitution aux importations, notamment par le biais du programme de Performance Linked Incentive (PLI), de la liste ALMM (Approved List of Models and Manufacturers) et des futurs mandats imposant l’usage de cellules locales à partir de juin 2026. L’objectif est de créer une chaîne de valeur complète, de réduire l’exposition du pays aux tensions commerciales sino-occidentales et de mieux contrôler l’origine des composants exportés, notamment vers les États-Unis.
Avec cette nouvelle capacité, Tata Power dépasserait les 2 GW actuellement installés par Adani dans le segment ingot/wafer, renforçant la compétition entre conglomérats indiens pour le contrôle des segments stratégiques de la chaîne solaire. L’entreprise entend ainsi s’affirmer comme un acteur intégré, capable de maîtriser l’ensemble du cycle de production.
Incitations financières et arbitrages réglementaires
Le projet devrait bénéficier des subventions PLI, dont les deux premières tranches ont déjà attribué environ 48 GW de modules à différents acteurs, sous conditions d’intégration partielle ou complète. L’ajustement prévu des droits de douane sur cellules et modules en 2025 modifiera également l’équation économique entre importation et production locale. À cela s’ajoute l’entrée en vigueur de l’obligation d’utiliser des cellules indiennes dans les projets renouvelables à compter de juin 2026.
Impacts sur les coûts, la chaîne de valeur et l’export
L’intégration amont permettrait à Tata Power de réduire ses coûts logistiques, d’atténuer les effets des fluctuations monétaires et de stabiliser les délais de livraison. Cette stratégie pourrait contribuer à faire baisser les prix des modules fabriqués en Inde d’ici 2026–2028, tout en améliorant les marges grâce à une meilleure absorption des cycles de prix.
L’annonce du projet s’inscrit dans un contexte de montée des barrières commerciales sur les modules asiatiques aux États-Unis. En intégrant le segment wafers, Tata Power vise à renforcer la traçabilité de ses produits et à garantir une origine compatible avec les normes d’importation occidentales. Le choix technologique (type de silicium, architecture P-type ou N-type) ainsi que l’accès à la matière première polysilicium seront déterminants pour la réussite industrielle du projet.
Effets sur le marché et la concurrence locale
L’investissement de Tata Power pourrait déclencher une nouvelle vague de projets amont chez d’autres industriels indiens, notamment sur les étapes de texturation, dopage et slicing, encore peu développées dans le pays. Reliance et Adani sont déjà positionnés sur ces segments et pourraient répondre par des annonces similaires afin de maintenir leur compétitivité.
Du côté de la demande, les producteurs d’électricité solaire devront, dès 2026, sécuriser leur approvisionnement en cellules et modules d’origine locale pour rester éligibles aux appels d’offres publics. Ce changement renforce l’attractivité d’un acteur pleinement intégré comme Tata Power dans le segment B2B et pour les développeurs de projets à grande échelle.