Les gouvernements du monde entier se tournent vers des politiques de décarbonation ambitieuses pour répondre aux objectifs climatiques et énergétiques. Cependant, la mise en place et le suivi de ces politiques reposent sur des systèmes d’information énergétique robustes, capables de fournir des données précises et en temps réel. Or, dans de nombreux pays, ces systèmes restent insuffisamment développés ou mal intégrés dans les stratégies nationales. L’information énergétique est un outil indispensable pour mesurer l’efficacité des politiques publiques. Elle permet d’analyser la consommation par secteur, de suivre l’évolution des infrastructures et d’évaluer les impacts des investissements. Pourtant, dans plusieurs pays, les données sont souvent fragmentées entre différents ministères ou agences. Cela rend complexe l’élaboration de stratégies globales et cohérentes. Cette situation compromet la capacité des États à ajuster leurs politiques en fonction des résultats réels.
Un enjeu stratégique pour les gouvernements
Les systèmes d’information énergétique représentent un atout stratégique pour les États. Ils permettent non seulement de piloter la transition énergétique, mais aussi de mesurer les progrès en matière de sécurité énergétique, de gestion des infrastructures et de réduction des émissions. Les pays qui intègrent pleinement ces données dans leurs processus décisionnels disposent d’un avantage compétitif sur la scène internationale. Dans ce contexte, l’Agence internationale de l’énergie (IEA) a identifié plusieurs lacunes dans la collecte et le traitement des données énergétiques. Certains pays, notamment dans des régions comme l’Afrique subsaharienne, peinent à produire des bilans énergétiques nationaux complets. Par exemple, bien que la biomasse représente près de 90 % du mix énergétique dans cette région, les données disponibles sont souvent incomplètes, ce qui complique la définition de politiques énergétiques adaptées.
Les statistiques énergétiques doivent être considérées comme un bien public. Leur financement est indispensable pour garantir leur continuité et leur mise à jour, particulièrement dans les économies émergentes où les infrastructures de collecte de données sont encore limitées. Ce manque d’information fiable accroît le risque de décisions inefficaces ou mal informées, ce qui, à terme, pénalise la performance des systèmes énergétiques nationaux.
Une approche structurée pour renforcer les capacités
Face à ce constat, plusieurs initiatives voient le jour pour renforcer les capacités des gouvernements en matière de données énergétiques. L’IEA a récemment publié un guide qui présente une méthodologie pour améliorer les systèmes d’information énergétique au niveau national. Ce guide, élaboré en consultation avec des experts de pays comme le Brésil, l’Australie et le Royaume-Uni, propose une approche structurée autour de trois piliers : la planification, la mise en place opérationnelle et le suivi des données. La dimension stratégique du guide insiste sur la nécessité d’identifier les besoins en données et les utilisateurs. Cela inclut le développement d’une stratégie claire et la mise en place de mécanismes de financement adaptés. Du point de vue opérationnel, il est essentiel d’établir un cadre légal et des structures institutionnelles efficaces, avec les ressources humaines, techniques et financières adéquates. Enfin, le suivi des données repose sur des méthodes rigoureuses de collecte et de vérification de la qualité, avec une attention particulière aux innovations technologiques telles que la digitalisation des processus.
Un cadre pour accompagner les pays émergents
Le guide de l’IEA cible en particulier les pays émergents, où les systèmes d’information énergétique sont encore à un stade embryonnaire. Il propose des recommandations à court et moyen terme pour les aider à combler les lacunes existantes. Les gouvernements peuvent ainsi évaluer l’état de leur système énergétique et élaborer un plan d’action en fonction des priorités identifiées. La collecte de données sur la demande énergétique, par exemple, reste incomplète dans de nombreux pays en développement, ce qui freine l’élaboration de politiques publiques adaptées aux réalités locales. Le guide propose également des outils pratiques, comme un modèle Excel, pour permettre aux États d’évaluer leurs systèmes et d’identifier les domaines nécessitant des améliorations.
Le cadre fourni par l’IEA ne se limite pas à une approche théorique. Il inclut des exemples concrets issus des retours d’expérience des pays ayant déjà mis en place des systèmes d’information performants. Des initiatives ont ainsi été pilotées avec succès en Afrique subsaharienne, en étroite collaboration avec des partenaires locaux.
Former les acteurs de la collecte et de l’analyse de données
L’une des clés du succès réside également dans la formation des acteurs impliqués dans la collecte et l’analyse des données énergétiques. Depuis 2012, l’IEA a formé des milliers de statisticiens et analystes à travers le monde. Cette formation vise à améliorer la qualité des données produites et à aligner les systèmes nationaux sur les normes internationales. La formation se déroule à la fois par le biais d’ateliers en présentiel et via des programmes en ligne. Ces initiatives visent à renforcer les compétences des professionnels locaux tout en facilitant l’échange de bonnes pratiques entre pays. L’IEA a par ailleurs lancé un programme d’accompagnement personnalisé pour les pays souhaitant développer leur roadmap énergétique, comme cela a été récemment le cas en Éthiopie et au Kenya.
La capacité des gouvernements à collecter, analyser et utiliser les données énergétiques est un facteur déterminant pour leur réussite dans la transition énergétique. Avec des systèmes d’information robustes et des stratégies adaptées, les États pourront mieux piloter leurs politiques et garantir des résultats concrets à long terme.