Nouveau parfum de conflit commercial au-dessus de l’Atlantique: plusieurs dirigeants européens ont haussé le ton lundi contre les subventions massives accordées par les Etats-Unis aux entreprises sur leur sol, agitant la menace de poursuites à l’OMC.
À l’origine de la montée de tensions entre les deux grandes puissances occidentales, la mise en place cet été de l' »Inflation Reduction Act », le plus gros investissement jamais décidé dans la lutte contre le changement climatique, prévoyant 370 milliards de dollars pour la construction d’éoliennes, de panneaux solaires et de véhicules électriques.
Une mesure concentre les critiques: un crédit d’impôt, jusqu’à 7.500 dollars, réservé à l’acquisition d’un véhicule électrique sortant d’une usine nord-américaine avec une batterie fabriquée localement, excluant donc les automobiles produites dans l’UE.
Ce plan hérisse l’Europe qui l’accuse d’organiser des subventions exceptionnelles aux entreprises produisant sur le sol américain, totalement contraires selon elle aux règles du commerce international.
Tour à tour, plusieurs de ses dirigeants sont de nouveau montés au créneau lundi après des semaines de critiques, allant jusqu’à menacer de poursuites.
“On va envisager évidemment des mesures de rétorsion”, a ainsi lancé le commissaire européen en charge du marché intérieur, Thierry Breton, lors d’une interview sur BFM Business, agitant la possibilité d’aller “devant l’OMC” pour faire valoir les arguments européens si Washington demeure sourd aux récriminations de l’UE.
Un “groupe de travail” conjoint entre l’UE et les États-Unis doit tenter dans un premier temps de répondre aux inquiétudes des Européens.
Ces dernières semaines, le risque d’une “guerre commerciale” entre les deux régions alliées a été évoqué sans ambages.
Le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire a ainsi utilisé l’expression lors d’une visite à Berlin en octobre, tout en appelant à l’éviter, et le chancelier allemand Olaf Scholz a parlé du risque d’une “énorme guerre tarifaire”.
D’autres conflits commerciaux
La guerre commerciale n’est pas une nouveauté dans les relations entre les Etats-Unis et l’Union européenne qui ont eu à régler ces dernières années plusieurs différends.
Parmi eux, le face à face entre le géant européen de l’aéronautique Airbus et l’américain Boeing, sur fond là aussi de subventions, et l’imposition de tarifs douaniers additionnels par l’administration Trump sur l’acier et l’aluminium.
“Les irritants historiques sont à peine apaisés que Washington adopte des mesures très offensives”, a commenté auprès de l’AFP Elvire Fabry, experte en géopolitique du commerce auprès de l’institut européen Jacques Delors.
Politiquement, cette dernière voit toutefois davantage dans les mesures de l’administration Biden “un agenda domestique de protection des intérêts américains” qu’une “guerre tarifaire déclarée” comme sous l’ère Trump.
En tout état de cause, “il n’y a pas de temps à perdre pour les Européens, on est un peu plus de trois mois après leur mise en place et il n’y a pas eu de signaux encourageants d’engagement des Etats-Unis au-delà des explications amicales”, selon elle.
Le sujet inquiète d’autant plus les Etats européens que la récession menace de s’abattre sur le continent l’an prochain en raison des conséquences économiques de la guerre en Ukraine. Les prix de l’énergie flambent, ce qui fragilise de très nombreuses entreprises.
“Le montant des subventions que l’administration Biden propose est quatre à dix fois le montant maximal autorisé par la Commission européenne” dans certains cas, a critiqué lundi Bruno Le Maire, qui a appelé dans une interview donnée à plusieurs journaux européens à une réponse “coordonnée, unie et forte”.
Selon lui, “10 milliards d’investissements et des milliers d’emplois industriels” sont en jeu.