Les objectifs intermédiaires pour le remplissage des sites de stockage de gaz de l’UE sont un outil « essentiel ». Ceci afin de garantir que le stockage soit suffisamment utilisé dans le cadre des mesures de sécurité d’approvisionnement. C’est ce que déclare un haut fonctionnaire de la Commission européenne.
Le stockage de gaz de l’UE permet de réduire les conséquences d’une crise
Fin mars, la Commission européenne (CE) a proposé que les États membres remplissent leurs sites de stockage à 80% de leur capacité d’ici le 1er novembre 2022. Puis, à 90% de leur capacité d’ici le 1er novembre des années suivantes. Tout cela en plus des objectifs intermédiaires fixés tout au long de l’année.
Toutefois, les États membres et l’industrie se sont opposés à l’utilisation de trajectoires. Ils craignent que les prix ne s’envolent lorsque les pays se dépêcheront d’atteindre les objectifs intermédiaires. Entraînant ainsi une hausse temporaire de la demande.
Remi Mayet, chef d’unité adjoint à la direction de l’énergie de la CE, déclare que l’Europe n’avait pas suffisamment surveillé les niveaux de stockage en 2021. Ce qui avait conduit au faible niveau de stockage de l’hiver dernier.
Les stocks de gaz de l’UE ont été constitués à seulement 77 % de la capacité en octobre de l’année dernière. Ils ont été réduits à seulement 25 % de la capacité à la fin de l’hiver en mars 2022, selon les données de Gas Infrastructure Europe (GIE).
Le rôle essentiel des objectifs intermédiaires
Remi Mayet estime que la trajectoire [proposition] est une conséquence directe de l’expérience malheureuse de l’hiver dernier. Il s’exprimait lors d’un webinaire organisé par l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) et le Conseil des régulateurs européens de l’énergie (CEER).
« Collectivement, nous n’avons pas prêté suffisamment d’attention au niveau de stockage, et n’avons pas pris de mesures. Ce qui a dangereusement contribué à la situation dans laquelle nous nous trouvions au début de l’hiver. »
Mayet estime également que les États membres de l’UE rencontreraient des difficultés à atteindre les objectifs fixés pour novembre. Il propose de ne pas attendre le dernier moment pour prendre des mesures. Par ailleurs, les trajectoires sont conçues de manière flexible pour refléter les caractéristiques techniques des sites de stockage.
« Il s’agit d’un outil absolument essentiel dans cette situation de crise pour surveiller et s’assurer que le stockage fonctionne bien en Europe. »
Les sites de stockage de gaz de l’UE étaient remplis à 40 % au 15 mai, selon les données du GIE. Les inquiétudes concernant le remplissage des sites de stockage cet été ont contribué à la hausse record des prix en Europe ces derniers mois.
Des mesures seront prises contre les États qui ne rempliront par leurs stocks de gaz
Interrogé sur ce que la CE se proposait de faire si les États membres n’atteignaient pas les objectifs, M. Mayet s’est dit confiant. Il pense que les États membres répondront aux préoccupations de la CE et remédieraient à la situation. Si l’écart par rapport à l’objectif persiste sur une certaine période, la CE émettra d’abord un avertissement à l’Etat membre.
Par ailleurs, les capacités de stockage varient considérablement d’un pays à l’autre. Les cinq principaux détenteurs de capacités (Allemagne, Italie, Pays-Bas, France et Autriche) représentant à eux seuls près de 75 % du total de l’UE. Ainsi, cela signifie que ces États membres ont une charge plus lourde pour atteindre les objectifs de remplissage.
Benoit Esnault, vice-président du groupe de travail ACER-CEER sur le gaz, déclare que l’ACER encourageait l’inclusion de certains éléments relatifs à la demande de gaz pour éviter d’être trop limité par la capacité de stockage.
Il pointe du doigt les pays où la capacité de stockage est supérieure à la consommation annuelle. Ce qui est le cas en Autriche par exemple. Il souligne que faire reposer cet [objectif] de 90% sur les épaules d’un seul pays n’est pas envisageable. L’ACER a également suggéré que les trajectoires pour 2022 soient indicatives et non contraignantes.
Préserver les forces du marché ?
Doug Wood, président du comité gaz de la Fédération européenne des négociants en énergie, a mis en garde contre l’impact sur le marché du gaz d’un secteur du stockage trop réglementé. Il déclare :
« Avoir des trajectoires fixes et des points de contrôle fixes fera grimper les prix et supprimera l’optionalité de pouvoir atteindre les objectifs. Nous devons laisser une grande flexibilité sur le marché et une certaine optionalité quant à la manière d’atteindre ces objectifs. Autrement, le coût de la fourniture de ce niveau de sécurité sera beaucoup plus élevé. »
M. Wood a également déclaré qu’il fallait davantage d’incitations basées sur le marché pour aider à remplir les sites de stockage de gaz dans l’UE. Avertissant ainsi que les acteurs du marché pourraient laisser la tâche de remplir les sites aux opérateurs de réseau.
Par ailleurs, il estime que le remplissage des sites de stockage de gaz de l’UE de l’année dernière s’était déroulé normalement. Et que seul le comportement de la société russe Gazprom avait fait que le volume global était inférieur aux prévisions. Wood souligne qu’il y avait encore une quantité substantielle de remplissage par d’autres acteurs l’année dernière.
« Le marché va continuer à le faire. Nous avons vu le marché réagir avant les obligations pour créer des niveaux de remplissage. Nous devons veiller à ne pas tuer ce que le marché fait lui-même en imposant des obligations plus strictes. »
Pour lui, c’est un équilibre délicat. Il est certes nécessaire d’avoir certains types de garanties et de règles. Néanmoins, insiste-t-il, il ne faut pas se diriger vers des objectifs, des trajectoires et des points de contrôle stricts.