Le South Pars est sur le point d’être totalement achevé pour l’année 2021. L’opérateur iranien vient en effet d’annoncer le début des opérations de forage de la phase 11 du champ gazier. D’autres phases seront quant à elles complétées dans les 6 à 9 prochains mois. En tout, le gisement gazier sera capable de produire entre 725 et 775 millions de m3 de gaz par jour.
Pour de nombreux observateurs, l’annonce de l’achèvement du projet représente une surprise tant les sanctions américaines handicapent l’industrie iranienne. Téhéran a ainsi su contourner ces difficultés et se vante même d’avoir achevé le projet avant la date prévue. Rappelons que ce champ gazier est le plus grand champ de gaz naturel au monde, détenant 8 % des réserves mondiales. Pourtant, de nombreux obstacles restent à franchir avant de voir l’Iran devenir enfin une superpuissance gazière.
South Pars : un développement chaotique
Le South Pars est un champ gazier offshore découvert en 1990 par la compagnie nationale iranienne NIOC. Situé à cheval entre l’Iran et le Qatar, il bénéficie d’une autre appellation par les qataris, le North Dome (north field). Ces derniers possèdent 62 % du champ (6000 Km2) tandis que Téhéran doit se contenter de 3700 Km2. Surtout, le Qatar a déjà largement exploité sa partie exportant du gaz naturel liquéfié (GNL) dès 1996.
Côté iranien, l’exploitation n’a débuté qu’en 2002 et son développement s’est vu entraver par les sanctions américaines. Ainsi, jusqu’en 2018, seules 10 des 24 phases du projet furent achevées. Pourtant, la situation évolua favorablement suite à l’accord nucléaire de 2015, les sanctions étant graduellement levées pour le secteur gazier. Attirée par la quasi-absence de contraintes géologiques, Total put ainsi investir dans la phase 11 de South Pars du projet en 2016.
Néanmoins, la décision de Trump de sortir de l’accord nucléaire en 2018 a eu pour conséquence un retour des sanctions. Dans ces conditions, la compagnie pétrolière gazière s’est retirée du projet vendant ses parts à la compagnie nationale chinoise CNPC. Un an plus tard, la fin des exemptions américaines a entraîné le départ du géant chinois laissant seuls les iraniens. Depuis lors, le projet est entièrement dans les mains de la NIOC et de ses filiales.
Comment l’Iran a-t-il pu exploiter le South Pars ?
Depuis 2019, l’Iran n’a donc pas accès aux capitaux et technologies des compagnies étrangères afin de stimuler sa production gazière. Pourtant, le pays a réussi à mettre en exploitation la quasi-totalité du champ gazier, objectif qui sera atteint en 2021. Ce succès s’explique par le soutien de la Chine qui a habilement contourné les sanctions américaines. Ainsi, loin d’avoir quitté le marché iranien, les firmes chinoises opèrent dans le pays à travers des contrats de projet.
N’opérant plus directement, ces firmes peuvent continuer à fournir leurs partenaires iraniens sans faire l’objet de sanctions. En matière de technologie et de financement, les acteurs chinois soutiennent de fait massivement le secteur gazier de l’Iran. Cette méthode a largement été promue par Pékin qui souhaite consolider son alliance géostratégique avec Téhéran. Ce soutien est d’autant plus fort que les deux pays ont signé dernièrement un partenariat économique de 25 années.
L’accord permet ainsi à l’Iran de bénéficier d’une promesse de 400 milliards d’investissements chinois d’ici à 2045. En contrepartie, la Chine se voit garantir un accès prioritaire aux ressources pétrolières et gazières du pays. De même, Pékin pourra bénéficier d’un rabais estimé à 12 % sur le prix des hydrocarbures. On comprend mieux dès lors pourquoi la Chine soutient aussi fermement le projet South Pars et le secteur gazier iranien.
L’obstacle du GNL
Grâce à son partenariat économique, la Chine compte bien s’assurer un approvisionnement de long-terme en gaz venu d’Iran. En effet, d’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), Pékin sera le premier importateur mondial de GNL en 2024. L’Iran permettra également de réduire la dépendance chinoise au gaz qatari et ainsi éviter le passage par le détroit d’Hormuz. Rappelons que le Qatar représente aujourd’hui près de 15 % des importations chinoises de gaz.
Devenir une superpuissance gazière
Pour l’Iran, l’exploitation du South Pars signifie qu’il a désormais les moyens de devenir une superpuissance gazière à l’exportation. À l’heure actuelle, Téhéran possède les deuxièmes réserves mondiales mais n’est même pas dans les quinze premiers pays exportateurs. Cette faiblesse s’explique par le poids de la consommation intérieure et l’absence d’infrastructures de gaz naturel liquéfié (GNL). Encore aujourd’hui, toutes les exportations iraniennes de gaz se réalisent par gazoducs limitant de facto la conquête de nouveaux marchés.
La difficulté sera néanmoins de trouver l’expertise et les financements nécessaires pour construire des terminaux GNL. Ces infrastructures coûtants extrêmement chers à développer, le soutien chinois pourrait dès lors ne pas suffire à l’avenir. En outre, l’Iran dépend entièrement des technologies étrangères afin de liquéfier son gaz. Or, pour l’heure, seule Gazprom a décidé d’investir dans la production de GNL en Iran.
La solution pourra peut-être venir des États-Unis
Le géant russe a ainsi racheté les parts de l’allemand Linde dans la construction d’une usine de liquéfaction à Tombak. Cet engagement reste pourtant trop limité pour faire de l’Iran un acteur majeur du gaz liquéfié (GNL). La solution pourra peut-être venir des États-Unis avec l’élection de Joe Biden. Ce dernier pourrait en effet utiliser la levée des sanctions comme une contrepartie à un futur accord sur le nucléaire.
Le développement des infrastructures GNL jouera donc un rôle clé dans la capacité de l’Iran à exporter son gaz. Aujourd’hui, Téhéran est largement à la traîne dans ce domaine n’ayant aucun terminal GNL de grande capacité. Dès lors, les prochains mois seront décisifs avec l’arrivée d’une nouvelle administration américaine prête à négocier la levée des sanctions.