Singapour a conclu un contrat de 55,6 millions $ pour l’acquisition de 2,17 millions de tonnes équivalent CO₂ (mtCO2e) de crédits carbone issus de solutions fondées sur la nature dans le cadre de l’Accord de Paris. Il s’agit du premier achat gouvernemental du pays relevant de l’article 6.2, portant sur des résultats d’atténuation transférés internationalement.
Les crédits proviendront de quatre projets localisés au Pérou, au Ghana et au Paraguay. Deux d’entre eux sont des initiatives de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts (REDD+) au Pérou. Un autre porte sur la restauration de prairies au Paraguay, et le dernier concerne la reforestation de terres dégradées au Ghana. L’ensemble des livraisons est prévu entre 2026 et 2030, selon un communiqué commun de la National Climate Change Secretariat et du Ministry of Trade and Industry.
Des méthodologies Verra compatibles avec l’article 6
Tous les projets sont enregistrés auprès de l’organisme de certification Verra et utilisent les méthodologies VM0047 (Reboisement/Afforestation), VM0048 (REDD+) et VM0042 (Amélioration de la gestion des terres agricoles). Ces référentiels sont éligibles au cadre réglementaire de Singapour sur l’article 6.2, et les crédits seront ajustés de manière correspondante dans les inventaires nationaux des pays hôtes afin d’éviter le double comptage.
Le contrat s’inscrit dans la stratégie bilatérale de Singapour qui privilégie des accords intergouvernementaux plutôt que le marché volontaire du carbone. Les projets doivent répondre à des exigences strictes en matière d’intégrité environnementale, de permanence des réductions et d’avantages sociaux, et être autorisés par les pays hôtes.
Un marché émergent structuré par les États
Singapour a signé des accords de mise en œuvre bilatéraux avec neuf pays, dont le Pérou, le Ghana et le Paraguay. Conformément aux directives de l’article 6.2, 5 % des produits générés seront alloués au financement de l’adaptation dans les pays hôtes. Ce contrat marque une avancée significative vers la contractualisation effective des crédits Article 6, au-delà des phases pilotes observées jusqu’à présent.
La valorisation des crédits varie selon les régions. Le prix actuel du crédit “Nature-Based Avoidance” en Asie du Sud-Est s’élève à 9,15 $/mtCO2e, tandis qu’en Amérique du Sud, il est estimé à 6,60 $/mtCO2e. Le prix du crédit “Natural Carbon Capture” atteint 13,46 $/mtCO2e.
Rôle dans la fiscalité carbone nationale
Les crédits internationaux acquis pourront être utilisés pour compenser jusqu’à 5 % des émissions soumises à la taxe carbone nationale de Singapour, selon les critères définis. Ce mécanisme est en vigueur depuis 2024 pour les installations imposables. Une nouvelle demande de propositions devrait être lancée d’ici la fin de l’année pour renforcer ce dispositif.
Bien que la liquidité sur le marché des crédits conformes à l’article 6.2 demeure limitée, des transactions soutenues par les gouvernements contribuent à établir des standards de référence. Elles servent également de test opérationnel pour les futurs échanges bilatéraux dans un marché en structuration.