Shell annonce son intention de se séparer de toutes ses parts dans ses joint-ventures au Nigeria. Le sous-investissement, les infrastructures vieillissantes, le recours aux torchères et les conditions d’exploitation dans le delta du Niger font que ses actifs nigérians sont ceux qui pèsent le plus dans le bilan carbone de son portefeuille.
Shell met en cause les contraintes opérationnelles et sécuritaires
Shell a été forcé de réduire sa production et cesser les opérations de chargement de brut sur le terminal de Forcados. En cause, une fuite de pétrole près des bouées de chargement. Cette dernière déconvenue a poussé l’entreprise à se séparer de ses actifs locaux.
Exploitant le pétrole nigérian depuis plus de 60 ans, la compagnie pétrolière se désengage des joint-ventures dans lesquelles elle est partie prenante avec NNPC, la compagnie nationale nigériane, qui détient 55% des parts.
Shell est propriétaire de 30% des actifs dans 19 concessions du delta
Si ce changement de posture peut surprendre, il est symptomatique de l’impact de la transition énergétique sur les compagnies pétrolières internationales en Afrique. Pour Shell, l’exploitation du pétrole au Nigeria compte pour la plus grande part des émissions de gaz à effet de serre dans son portefeuille d’actifs.
Le manque d’investissements, le vieillissement des infrastructures, le vandalisme et l’utilisation des torchères rendent l’exploitation dans la région polluante.
Le risque sécuritaire fait également que la production et l’exportation du brut sont de plus en plus difficile pour la compagnie. En effet, les menaces et les sabotages des installations par les pirates et les groupes rebelles tels que le Mouvement pour l’émancipation de delta du Niger sont fréquents.
Stratégie de vente rapide
Avant de se séparer de ses actifs, Shell devra s’accorder avec NNPC sur les termes de la vente. Il faudra couvrir plusieurs points cruciaux tels que les droits de préemption, le futur des terminaux, la gestion du passif, etc.
Néanmoins, la priorité sera de mettre la main sur des acheteurs crédibles afin de s’assurer que la vente se fasse rapidement.
Le delta, un terrain difficile à vendre
Avec les objectifs climatiques que les entreprises se fixent, peu d’exploitants seraient attirés par des coûts d’exploitation élevés et de hauts taux d’émissions de CO2. Pourtant, les acteurs indépendants locaux et les nouveaux entrants sont en demande pour ce genre d’actifs qui, s’ils sont sous-investis, ont beaucoup de potentiel quant au volume de brut exploitable.
De plus, leur aversion au risque est plus faible que celle des majors internationales. La question sera donc de savoir si les potentiels acheteurs pourront lever assez de fonds pour acquérir les lots et y investir suffisamment.
Shell pourra aider au financement dans le but d’aider à ce que les ventes se fassent sans encombre. De cette manière, elle pourra s’assurer une stratégie de sortie tout en allégeant son bilan. Ce qui rassurera les financiers.
Malgré tout, se séparer des 19 licences d’extraction pétrolières ne se fera pas facilement dans les conditions actuelles du marché. Les potentiels intéressés doivent, en plus, se manifester avant le 10 septembre 2021.
Loi anticorruption pour attirer les investisseurs
L’industrie pétrolière au Nigeria est donc en difficulté. Mais pour la soutenir, le président Buhari vient de promulguer une nouvelle loi. Attendue depuis plusieurs années, elle régule les secteurs pétrolier et gazier.
En fournissant un cadre fiscal à l’industrie, la loi ambitionne de permettre une meilleure distribution des richesses générées par l’exploitation des hydrocarbures. Il est à noter que le secteur représente 50% du budget de l’État et l’essentiel des ressources en devises.
La création de ce cadre légal vise, dans le même temps, à attirer les investisseurs étrangers. En dépit de gigantesques ressources, le Nigeria peine en effet à atteindre son plein potentiel. Les principales causes sont l’état de déliquescences des infrastructures, la corruption, ainsi que la situation sécuritaire dans le delta.
Capacité de production gigantesque
Le pays a pourtant une capacité de production de l’ordre de 2,3 millions de barils par jour. Un potentiel gigantesque de développer son économie.
Cependant, les projections de S&P Global pour le mois d’août 2021 tablent sur 1,36 million de barils. Et les chiffres ne font que baisser depuis le début de l’année 2021. La production était en effet de 1,48 million de barils par jour en juillet 2021 et de 1,66 million en février 2021. Il est donc peu probable qu’elle remonte à 1,75 million d’ici décembre, comme prévu initialement.