ShaMaran Petroleum Corp. a annoncé le chargement à Ceyhan d’un premier cargo de brut destiné à refléter ses droits contractuels au titre du nouveau dispositif mis en œuvre par les autorités irakiennes pour encadrer les exportations pétrolières kurdes. Cette opération matérialise l’application d’un accord intérimaire entre le gouvernement fédéral irakien, le gouvernement régional du Kurdistan (KRG) et un groupe de compagnies pétrolières internationales (IOCs), visant à encadrer temporairement les paiements après la reprise partielle de l’oléoduc Irak–Türkiye (ITP).
Un mécanisme de paiement hybride centré sur Ceyhan
Ce premier lifting s’inscrit dans un schéma de paiement hybride combinant une compensation en espèces à hauteur de 16 $/baril pour les coûts, et une livraison de barils “in kind” à Ceyhan. Ces cargaisons sont ensuite vendues par un trader mandaté par les IOCs, avec paiement via un compte séquestre destiné à sécuriser les flux financiers dans un contexte politique incertain. L’accord repose sur une base renouvelable mensuellement, sans garantie au-delà de trente jours, illustrant la fragilité des engagements entre les différentes parties.
Le brut alloué à ShaMaran provient des blocs Atrush et Sarsang, pour lesquels la société détient respectivement 50 % et 18 % d’intérêts contractuels. Les livraisons reflètent les volumes nets attribuables à la société sous contrat de partage de production (PSC), validés par la State Oil Marketing Organization (SOMO) qui supervise désormais l’ensemble des exportations officielles.
Reprise encadrée du pipeline et redistribution du pouvoir pétrolier
La remise en service du pipeline fin septembre 2025 intervient après une interruption de plus de deux ans, conséquence d’un arbitrage international condamnant la Turquie pour avoir accepté des flux kurdes sans aval fédéral. Cette reprise s’est faite sous l’autorité de SOMO, qui impose désormais un strict encadrement contractuel, centralisant l’ensemble des flux via Ceyhan dans le cadre de la politique pétrolière nationale.
Les implications pour le Kurdistan sont significatives : en échange d’un accès renouvelé aux marchés internationaux, le KRG a dû renoncer à sa capacité de commercialisation autonome du brut, acceptant de faire transiter ses volumes sous supervision fédérale et à travers des mécanismes contractuels validés à Bagdad.
Risques de paiement et pression sur la trésorerie de ShaMaran
Ce premier chargement représente un test concret pour la viabilité financière du mécanisme. ShaMaran, qui a produit en moyenne 18 000 barils par jour au troisième trimestre, attend désormais la conversion effective de cette cargaison en liquidités dans un délai annoncé de trente jours. La société a connu une baisse significative de son free cash-flow après l’arrêt partiel de ses exportations et le recentrage des ventes sur le marché local, avec des retards d’encaissement aggravés par la mise en place du nouveau système.
En parallèle, la situation sécuritaire reste instable. Une attaque par drone en juillet 2025 a interrompu temporairement la production sur le site de Sarsang, illustrant la vulnérabilité des installations. ShaMaran a toutefois indiqué avoir rétabli la production dans des délais maîtrisés.
Équilibre politique fragile et contraintes contractuelles accrues
L’accord en vigueur repose sur une base intérimaire et doit être renégocié à échéance début décembre 2025. Les conditions de renouvellement, incluant les modalités de règlement des arriérés accumulés pendant la période de blocage, seront déterminantes pour la stabilité des flux financiers et des livraisons futures. La reconnaissance des PSCs par le gouvernement fédéral constitue une avancée formelle, mais les modalités précises d’audit et de validation des droits restent sujettes à interprétation et à ajustement politique.
La livraison à Ceyhan est opérée dans un contexte de renforcement des régimes de sanctions occidentales, notamment à l’égard des entités impliquées dans des circuits de contournement via l’Irak. Les traders mandatés doivent démontrer une conformité renforcée sur chaque cargaison, augmentant la complexité des opérations commerciales.