Un contrat d’achat d’électricité (PPA) de 25 ans lie désormais Egypt Aluminium (Egyptalum), principal producteur d’aluminium primaire d’Égypte, au projet solaire Dandara, une centrale de 1,1 GW assortie de 200 MWh de stockage par batteries. Porté par le développeur norvégien Scatec, ce projet à Nagaa Hammadi vise à sécuriser l’approvisionnement électrique de l’usine, tout en réduisant sa vulnérabilité face au mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) de l’Union européenne.
Un projet intégré à la stratégie NWFE
Divisé en deux phases égales de 500 MW, Dandara s’inscrit dans le programme Nexus Eau-Nourriture-Énergie (NWFE), qui prévoit l’ajout de 10 GW de capacités renouvelables d’ici 2028. Le projet bénéficie de l’implication du ministère égyptien de l’Électricité, de l’Autorité pour les énergies nouvelles et renouvelables (NREA) et de la société égyptienne de transport d’électricité (EETC), chargée du raccordement au réseau.
Le schéma contractuel prévoit un modèle BOO (Build-Own-Operate), avec un paiement en dollars et une garantie publique ou multilatérale, condition essentielle pour assurer la bancabilité du projet. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque africaine de développement (BAD) et la Banque européenne d’investissement (BEI) ont confirmé leur participation au financement, principalement en dette senior.
Réduction des risques liés au CBAM
En orientant l’alimentation d’Egyptalum vers l’électricité solaire, Dandara devrait permettre de réduire d’environ 30 % les émissions indirectes de l’usine. Cette transition devient cruciale à l’approche de l’application intégrale du CBAM sur les importations d’aluminium en 2026. Plus de la moitié de la production d’Egyptalum est exportée vers l’Union européenne, exposant fortement l’entreprise aux mécanismes d’ajustement carbone.
Le stockage par batteries, intégré à raison de 100 MWh par phase, permettra de stabiliser l’injection et de répondre aux exigences croissantes en matière de qualité de fourniture sur un réseau égyptien de plus en plus sollicité. Ce dimensionnement vise également à sécuriser la priorité d’injection pour un site industriel éloigné des grands pôles gaziers.
Impacts macroéconomiques et géopolitiques
Le projet intervient alors que l’Égypte fait face à une baisse de sa production de gaz naturel et à une montée des coûts de production thermique. En réduisant la consommation électrique d’origine fossile d’un gros industriel, Dandara libère du gaz pour l’exportation, contribuant à améliorer la balance en devises.
Cette opération s’inscrit aussi dans la stratégie du Caire de renforcer son positionnement comme hub énergétique régional. Par ses interconnexions électriques avec la Grèce, l’Italie et l’Arabie saoudite, l’Égypte ambitionne d’exporter de l’électricité verte vers l’Europe. Dandara devient alors un élément de démonstration crédible de la capacité égyptienne à industrialiser sa production renouvelable.
Structuration financière et exposition de Scatec
Scatec renforce sa présence en Égypte avec un troisième projet majeur après Benban et Obelisk. Le contrat de Dandara, rémunéré en USD, crée un flux de revenus à long terme, mais expose le groupe au risque souverain égyptien et à la volatilité du marché de l’aluminium. Les garanties multilatérales atténuent partiellement ce risque, tout en positionnant le projet comme un modèle exportable vers d’autres secteurs industriels à haute intensité énergétique.
Pour les bailleurs impliqués, le projet démontre la possibilité de structurer des actifs renouvelables à grande échelle, en devise forte, dans un environnement à risque, à condition d’un ancrage contractuel et institutionnel solide.