Saudi Aramco procède à une nouvelle émission de dette sur les marchés en levant 3 milliards de dollars à travers des sukuk. L’entreprise se tourne vers le marché obligataire pour la deuxième fois en 2024, après avoir levé 6 milliards de dollars en juillet. Cette levée intervient alors que l’entreprise prévoit de verser des dividendes colossaux, totalisant 124,3 milliards de dollars pour l’année en cours. L’émission de sukuk comprend deux tranches : 1,5 milliard de dollars à cinq ans, et 1,5 milliard à dix ans, avec des marges respectives de 85 et 100 points de base au-dessus des bons du Trésor américains.
L’objectif de cette levée est clair : compenser la baisse des flux de trésorerie générés par les activités pétrolières, affectées par les restrictions de production mises en place par l’OPEC+. Ces restrictions, destinées à maintenir les prix du brut, limitent la capacité d’Aramco à opérer à pleine capacité. En conséquence, l’entreprise fonctionne à environ 25 % en dessous de ses capacités maximales, réduisant ainsi ses revenus pétroliers.
Impact de la baisse des prix du pétrole sur Aramco
La conjoncture pétrolière mondiale reste un défi pour Saudi Aramco. Les prix du pétrole, bien que soutenus par les efforts de l’OPEC+, n’ont pas retrouvé les niveaux attendus. Cette volatilité, combinée aux restrictions de production, a un effet direct sur la rentabilité de l’entreprise. Aramco continue d’afficher des bénéfices solides, mais ses besoins en liquidités sont de plus en plus importants pour soutenir ses engagements financiers, notamment envers le gouvernement saoudien, son principal actionnaire avec une participation de 81,5 %, ainsi que le Public Investment Fund (PIF).
Les dividendes à verser pour 2024, qui dépassent les 124 milliards de dollars, représentent un enjeu stratégique majeur pour l’entreprise et pour l’économie saoudienne dans son ensemble. Ils servent à financer les projets phares du plan Vision 2030, qui vise à diversifier l’économie saoudienne au-delà du pétrole. Cependant, cette stratégie de dividendes élevés pèse sur la trésorerie de l’entreprise, déjà sous pression à cause de la baisse des prix du brut et des réductions de production.
Stratégie d’ajustement face aux défis du marché
L’émission de sukuk montre la volonté d’Aramco de diversifier ses sources de financement, en se tournant vers des obligations conformes à la finance islamique pour attirer des investisseurs régionaux et internationaux. Cette approche permet à l’entreprise de maintenir une flexibilité financière dans un contexte mondial marqué par l’incertitude. Cependant, les niveaux d’endettement croissants de l’entreprise indiquent également une dépendance accrue aux marchés financiers pour maintenir ses opérations et respecter ses engagements envers les actionnaires.
Monica Malik, économiste en chef à Abu Dhabi Commercial Bank, observe que les emprunts supplémentaires d’Aramco en 2024 reflètent directement la nécessité de couvrir les paiements de dividendes, alors que les flux de trésorerie générés par les opérations ne suffisent plus à les financer. Les dépenses en capital, nécessaires pour soutenir la croissance future de l’entreprise et répondre aux exigences du plan Vision 2030, viennent également alourdir les besoins de liquidités à court terme.
Conséquences des décisions de l’OPEC+ et perspectives futures
Les décisions de l’OPEC+, dirigée de facto par l’Arabie saoudite, continuent d’avoir un impact direct sur la capacité d’Aramco à générer des revenus. En limitant la production, l’OPEC+ cherche à stabiliser les prix du pétrole, mais cela implique pour Aramco de réduire son activité à une échelle qui affecte significativement ses marges. Ces choix de politique pétrolière, bien qu’essentiels pour soutenir les prix mondiaux, pèsent lourdement sur les perspectives à court terme de l’entreprise.
Aramco est également confrontée à des défis internes en matière de gestion de ses investissements et de ses priorités financières. Bien que les obligations de sukuk émises récemment aient attiré une forte demande, reflétant la confiance des investisseurs dans la solidité de l’entreprise, le recours fréquent à l’endettement pourrait devenir une préoccupation si les conditions du marché pétrolier ne s’améliorent pas. L’entreprise devra ajuster ses stratégies en fonction des fluctuations des prix et des incertitudes liées à la demande mondiale de pétrole.
À long terme, la stratégie de Saudi Aramco repose sur un équilibre délicat entre le maintien de dividendes élevés pour soutenir l’économie saoudienne, et la gestion prudente de ses investissements et de son endettement. Dans un marché marqué par une volatilité persistante, l’entreprise devra rester agile pour répondre aux attentes de ses actionnaires tout en naviguant dans un environnement économique mondial en constante évolution.