L’éventualité de sanctions américaines contre l’Irak suscite des interrogations quant à leur impact sur la géopolitique énergétique mondiale. En visant l’un des principaux producteurs de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), Washington pourrait bouleverser les flux commerciaux et renforcer les tensions avec d’autres puissances comme la Chine.
L’Irak est un acteur clé dans l’approvisionnement mondial en brut, avec une production estimée à 4,14 millions de barils par jour (b/j) en octobre, et des exportations de 3,6 millions de b/j. La Chine (41 %) et l’Inde (28 %) sont les principaux acheteurs de ce pétrole, ce qui confère à l’Irak une place stratégique dans la diplomatie énergétique.
Un levier contre l’influence iranienne
L’objectif déclaré des sanctions est de freiner l’influence de l’Iran en Irak, où des milices pro-iraniennes exercent un contrôle significatif sur des secteurs stratégiques comme le pétrole. SOMO (State Oil Marketing Organization), la principale entité de commercialisation du pétrole irakien, est accusée de faciliter des opérations clandestines, alimentant des groupes liés à Téhéran.
Cette dynamique alimente les tensions régionales, notamment avec l’Iran, qui fournit à l’Irak une part essentielle de ses besoins en gaz et en électricité. En novembre, une réduction des exportations iraniennes de gaz a entraîné une perte de 5,5 gigawatts (GW) de capacité électrique en Irak, illustrant la dépendance critique de Bagdad.
Un impact sur les alliances internationales
Les sanctions envisagées par Washington pourraient avoir des répercussions majeures sur les relations internationales. La Chine, principal partenaire commercial de l’Irak, verrait son approvisionnement en pétrole perturbé, ce qui renforcerait les tensions sino-américaines.
Dans le même temps, ces mesures pourraient nuire aux efforts irakiens de diversification de leurs marchés. Le gouvernement de Mohammed al-Sudani cherche à développer des partenariats avec l’Europe et l’Afrique pour réduire sa dépendance aux marchés asiatiques, mais les restrictions américaines compliqueraient ces ambitions.
Les enjeux économiques et énergétiques
Pour l’Irak, ces sanctions représenteraient un défi colossal. L’économie du pays repose à 95 % sur les revenus pétroliers, qui ont atteint 131 milliards de dollars en 2022. Toute réduction des exportations ou des investissements étrangers pourrait entraîner une grave crise économique et sociale.
Malgré des accords récents avec des entreprises américaines pour réduire le torchage de gaz et capter les émissions, la méfiance des investisseurs occidentaux risque de croître, laissant davantage de place aux entreprises chinoises. Actuellement, ces dernières contrôlent 7,27 % des projets pétroliers et gaziers en Irak, contre seulement 1,82 % pour les entreprises américaines.
L’avenir de la diplomatie énergétique
Cette situation reflète un déplacement des rapports de force dans la diplomatie énergétique mondiale. Alors que Washington s’efforce de limiter l’influence de Téhéran et de Pékin, Bagdad doit naviguer entre ces puissances pour maintenir ses intérêts. Ce dilemme pourrait façonner l’avenir du secteur énergétique irakien et redéfinir son rôle dans les équilibres mondiaux.