La saisie d’un tanker sud-coréen dans le détroit d’Hormuz a provoqué une crise diplomatique sans précédent entre Téhéran et Séoul. Le 4 janvier dernier, les autorités iraniennes ont arrêté l’équipage du tanker Hankuk Chemi officiellement pour des raisons techniques. En réalité, il s’agit d’une manœuvre iranienne afin de libérer 7 milliards de dollars d’actifs gelés dans les banques coréennes. Aujourd’hui, les deux parties tentent de trouver un compromis dans des négociations restant pour l’heure infructueuses.
La saisie par l’Iran d’un tanker sud-coréen
L’épisode du 4 janvier dernier
La saisie d’un tanker sud-coréen par l’Iran a eu lieu le 4 janvier dernier dans le détroit d’Hormuz. Dénonçant des problèmes techniques et environnementaux, les autorités iraniennes ont en effet arrêté les 20 membres d’équipage de l’Hankuk Chemi. Ce tanker transportait près de 7 000 tonnes d’éthanol destinées aux Emirats arabes unis avant sa saisie.
Abordé par les garde-côtes iraniens, le navire a ensuite été contraint de rejoindre le port de Bandar Abbas en Iran. Tous les membres d’équipage ont également fait l’objet d’une arrestation et se trouvent aujourd’hui en prison dans cette même ville. Parmi eux, on trouve 5 sud-coréens et près de 11 ressortissants du Myanmar mais aussi des indonésiens et des vietnamiens.
Une crise diplomatique entre Séoul et Téhéran
Cet évènement du 4 janvier a provoqué une crise diplomatique sans précédent entre l’Iran et la Corée du Sud. Séoul a ainsi condamné fermement l’attitude iranienne et a appelé à la libération immédiate de l’ensemble des membres d’équipage. Le vice-ministre des Affaires étrangères s’est même rendu à Téhéran afin de trouver une solution diplomatique à la crise.
Dans le but d’accroitre la pression sur les autorités iraniennes, Séoul a décidé d’envoyer un navire militaire dans la région. Composé de 300 hommes, ce navire rejoint une force internationale pour sécuriser la libre navigation dans le détroit d’Hormuz. Le gouvernement sud-coréen compte ainsi ne pas reculer devant ce qu’il perçoit comme une provocation de la part de l’Iran.
Comment expliquer la saisie d’un tanker sud-coréen par l’Iran ?
Les sanctions américaines
Les raisons de la saisie d’un tanker sud-coréen par l’Iran remontent aux tensions liées à l’imposition des sanctions américaines. En effet, la Corée du Sud faisait partie des principaux clients de la République islamique avant 2018. Dès la signature de l’accord sur le nucléaire en 2015, Séoul avait ainsi profité économiquement de la fin des sanctions. En 2017, le pays représentait le troisième acheteur en volume de pétrole iranien.
L’industrie pétrochimique sud-coréenne appréciait alors particulièrement les qualités de ce pétrole en matière de taux de soufre et de densité. Pourtant, le retrait américain décidé par Donald Trump en 2018 changea complètement la donne pour Séoul. Les échanges entre les deux pays ont ainsi diminué par 4 entre 2017 et 2019. Pire, depuis 2020, la Corée du Sud n’achète plus de produits pétro-gaziers à l’Iran du fait des sanctions.
Les actifs iraniens gelés dans les banques sud-coréennes
Le problème de ce retournement des échanges dès 2018 c’est que l’Iran n’a plus accès aux recettes réalisées avec Séoul. Autrement dit, selon Téhéran, le pays ne peut profiter des 7 milliards de dollars de revenus d’exportation accumulés depuis 2015. Cela s’explique par le fait que l’ensemble des recettes iraniennes ont été déposées dans deux banques sud-coréennes. Il s’agit de la Woorie Bank et de l’Industrial Bank of Korea.
Ces dernières ne peuvent libérer les actifs iraniens sous peine de se voir affligées des sanctions par le trésor américain. En grande difficulté économique et sanitaire, Téhéran lorgne sur cette manne financière qui dans le droit international lui appartient. C’est pourquoi, la saisie du tanker sud-coréen vise en réalité à forcer Séoul à libérer les actifs gelés iraniens.
Saisie d’un tanker sud-coréen : quelles solutions de sortie de crise ?
L’échec de la formule COVAX
La saisie d’un tanker sud-coréen par l’Iran a donc pour objectif de récupérer 7 milliards de dollars d’actifs bancaires. Pour la Corée du Sud, la difficulté consiste à transférer l’argent iranien sans subir les sanctions américaines. Séoul avait néanmoins trouvé une solution ingénieuse en transférant l’argent via l’achat de vaccins par la plateforme COVAX. Cette plateforme dirigée par l’OMS fait l’objet d’une dérogation de la part des Etats-Unis pour échanger avec l’Iran.
Pourtant, Téhéran a refusé l’offre sud-coréenne entraînant l’effondrement des négociations entre les deux pays. Ce refus s’explique d’une part par la crainte iranienne quant à la conversion en dollar nécessaire à l’achat des vaccins. D’autre part, le transfert financier envisagé de 200 millions de dollars est ridiculement bas comparé au montant total des actifs. Séoul comptait en effet utiliser plusieurs fois ce procédé pour libérer la totalité des actifs, procédé que Téhéran refuse.
Les possibles solutions diplomatiques
L’échec de la formule COVAX pousse la Corée du Sud à chercher d’autres voies possibles de sortie de crise. La première envisagée consiste à s’appuyer sur le Qatar comme médiateur et comme possible canal financier pour le transfert d’actifs. Le vice-ministre des Affaires étrangères coréen s’est ainsi rendu à Doha après sa visite infructueuse à Téhéran. Rappelons que le Qatar et l’Iran entretiennent des liens étroits puisqu’ils partagent l’exploitation du champ gazier North Field/ South Pars.
Néanmoins, il semble difficile pour le Qatar d’accepter d’enfreindre les mesures américaines à quelques jours de la passation de pouvoir. La solution pourra par contre venir des Etats-Unis et de la prochaine administration Biden. Celui-ci s’était déclaré favorable au retour de Washington dans l’accord nucléaire iranien. La libération des actifs iraniens en Corée du Sud pourrait ainsi servir de premier pas dans les renégociations.
En conséquence, la résolution de la crise passera surement par un changement d’attitude des Etats-Unis. L’administration Biden, dans sa quête de rétablir des liens avec ses alliés sud-coréens après Trump, pourrait alléger les sanctions. Séoul représente en effet un allié indispensable à Washington dans sa politique d’endiguement de la puissance chinoise. Les prochains jours seront ainsi décisifs dans la résolution de la crise.
Sources :
https://thediplomat.com/2021/01/with-ship-seizure-south-korea-again-stuck-between-the-us-and-iran/
https://www.aa.com.tr/en/asia-pacific/south-korea-asks-qatar-to-help-get-back-ship-from-iran/2109568