Depuis près de deux semaines, le nord du Nigeria est plongé dans le noir suite à des actes de sabotage attribués à des groupes jihadistes, affectant plus de la moitié des États du pays. Selon la Transmission Company of Nigeria (TCN), l’opérateur national de l’électricité, la ligne de transmission reliant Shiroro à Mando, située dans l’État du Niger, a été ciblée. Ce sabotage a privé 19 des 36 États nigérians d’électricité, amplifiant une crise énergétique déjà profonde.
Dans le pays le plus peuplé d’Afrique, les coupures de courant sont monnaie courante en raison d’un réseau électrique insuffisant pour répondre à la demande nationale. Cependant, les attaques récurrentes menées par des groupes jihadistes dans la moitié nord du Nigeria ont aggravé la situation ces dernières années. Ces violences, qui touchent en particulier des infrastructures stratégiques comme les lignes électriques, mettent en péril l’économie locale et l’accès aux services de base pour les habitants de la région.
Le président nigérian Bola Tinubu a ordonné le déploiement de forces de sécurité pour protéger les ingénieurs qui s’attèlent à la réparation des infrastructures endommagées. En réponse à cette situation, les gouverneurs des 19 États touchés se sont réunis à Kaduna, appelant à un rétablissement urgent de l’électricité pour atténuer les graves conséquences sociales et économiques de cette panne prolongée.
Insécurité persistante autour de la centrale de Shiroro
La ligne de transmission attaquée alimente notamment la région de Shiroro, qui abrite la plus grande centrale hydroélectrique du pays. Cette zone de l’État du Niger est régulièrement secouée par des violences jihadistes, notamment celles menées par Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (Iswap). Ces groupes armés ont intensifié leurs actions en ciblant les infrastructures stratégiques, notamment les installations électriques, pour semer le chaos et affaiblir les régions contrôlées par les autorités nigérianes.
Les violences perpétrées par les groupes jihadistes se sont accrues avec l’apparition de bandes armées locales, connues sous le nom de « bandits », qui terrorisent les populations de Shiroro et des environs. Opérant souvent en connivence avec les groupes jihadistes, ces « bandits » mènent des raids dans les villages, pillant et enlevant des habitants pour des rançons.
Impact économique et social dévastateur
Pour les habitants de la région, l’absence de courant représente un obstacle majeur à la vie quotidienne. Les petits commerçants, comme Umaru Abubakar, tailleur à Kano, sont durement touchés. « Nous avons arrêté de travailler car payer un générateur est trop cher », déplore-t-il. En effet, la hausse du prix de l’essence, suite aux réformes économiques de 2023 sous la présidence Tinubu, a rendu l’utilisation de générateurs de plus en plus coûteuse.
Le secteur des services est également paralysé par cette panne, compliquant le travail de ceux qui dépendent d’équipements électroniques. À Kaduna, les journalistes et travailleurs indépendants sont contraints de se rendre dans des lieux comme des hôtels ou des bars pour recharger leurs appareils, faute de courant à domicile.
Crise de l’eau et hausse des prix
Outre les conséquences économiques, la panne d’électricité a généré une grave pénurie d’eau potable, en particulier à Katsina, dans le nord du pays. Le prix d’un bidon de 25 litres d’eau y a été multiplié par cinq, rendant cet élément essentiel inaccessible pour de nombreux foyers. La coupure de courant affecte également les forages commerciaux, qui nécessitent des générateurs pour fonctionner. Or, avec la flambée des coûts de carburant, l’approvisionnement en eau potable est devenu un défi quotidien pour les habitants de la région.
La situation s’avère d’autant plus préoccupante qu’aucune date précise n’a été avancée quant au rétablissement de l’électricité dans le nord du Nigeria. Les travaux de réparation, déjà retardés pour des raisons de sécurité, peinent à progresser face aux menaces jihadistes. Pour l’heure, les populations locales tentent de s’adapter à ces nouvelles contraintes, dans un contexte de crise économique aggravée par les insécurités persistantes.