Depuis le sabotage des deux gazoducs Nord Stream en Baltique, la responsabilité de l’opération continue de soulever plus de questions qu’elle n’offre de réponses. Alors que l’enquête se poursuit, les médias américains et russes ont chacun leur version des faits.
La guerre Russie-Ukraine en toile de fond
Le sabotage dans les eaux internationales de la Baltique, au large de l’île danoise de Bornholm, est lié à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. L’opération a touché une infrastructure d’exportation du gaz russe, même si elle était inactive au moment des faits. Les deux gazoducs ont été au cœur de tensions géopolitiques depuis des années, attisées après la décision de Moscou de couper les livraisons de gaz à l’Europe en représailles présumées contre les sanctions occidentales.
Des médias en première ligne
Le journaliste américain d’investigation Seymour Hersh a écrit que des plongeurs de l’US Navy, aidés par la Norvège, auraient posé en juin des explosifs déclenchés trois mois plus tard. Washington a jugé ces informations « totalement fausses ». Le New York Times a pour sa part désigné un « groupe pro-ukrainien » opposé au président russe Vladimir Poutine, sur la base d’informations consultées par le renseignement américain. Accusations démenties par Kiev et qualifiées par Moscou de « coup médiatique coordonné ».
Une opération de haute volée
La justice allemande a jugé impossible « de faire des affirmations solides » sur l’identité des auteurs ou l’implication d’un État. L’opération nécessite d’intervenir par 70 mètres de fond, ce qui suppose un acteur étatique. « Le +pipe+ n’a pas explosé en chou-fleur, il a été soulevé de terre. Il y a eu des mouvements sur le fond », a-t-elle ajouté, évoquant la possibilité d’une « mine de fond ». L’opération exige « un bâtiment support qui puisse rester à la verticale du chantier » pendant plusieurs heures, donc « de grosses infrastructures ».
Un acte de guerre hybride
Ce sabotage constitue un acte typique de guerre hybride, hors du champ militaire classique. Et le propre de l’hybridité, à l’image par exemple des opérations cyber, est qu’elle demeure en zone grise et rend complexe sinon impossible son attribution. « La guerre hybride renvoie par définition à des actes non attribués, louches et ambigus » relève un expert occidental du sujet sous couvert de l’anonymat.
« Billard quadridimensionnel »
Le professeur Veli-Pekka Tynkkynen se garde de toute conjecture mais estime que la Russie a le moins à perdre dans l’opération. « En faisant cela, la Russie accroît les peurs » et dissuade les Européens d’aider l’Ukraine. « La peur est la principale matière première exportée par la Russie », ajoute-t-il. Les Ukrainiens auraient pu être tentés de mener l’attaque contre le navire américain, mais ils ne l’ont probablement pas fait car le risque d’être découverts est très élevé et cela se retournerait contre eux. Selon cet observateur, il est peu probable que nous sachions jamais avec certitude qui est responsable de l’attaque. Il pense que les deux parties jouent un jeu complexe et que l’une d’entre elles sait qu’elle n’a pas mené l’attaque, tandis que l’autre a envoyé un message clair en effectuant cette action.