Alors que les sanctions contre la Russie se multiplient, les experts du secteur des énergies invitent à les reconfigurer. Selon eux, les sanctions actuelles étouffent les volumes d’exportation. En conséquence, les prix du pétrole montent en flèche et de nombreux continents sont impactés. Ils seraient alors, toujours selon les experts du secteur, plus judicieux de cibler les revenus russes issus des hydrocarbures.
Edward Chow, associé principal du programme Energy Security and Climate Change du Center for Strategic and International Studies, déclare :
« La flambée des prix du pétrole signifie que les recettes pétrolières russes n’ont pas souffert, n’ont pas souffert même si la Russie doit offrir des rabais pour déplacer les barils. »
Selon lui, ces sanctions sont « une solution de second choix ». De plus, elles auront des conséquences économiques et politiques importantes. Il ajoute :
« Si l’Occident atteint réellement l’objectif déclaré d’interdire le pétrole et le gaz russes, alors nous verrons des prix records du pétrole brut, supérieurs à 150 $/b, et nous n’aurons pas 5 $/gal d’essence cet été aux États-Unis, mais 6 $. »
Reconfigurer les sanctions occidentales à l’encontre de Moscou
Edward Chow estime qu’il est encore possible d’éviter un tel scénario. Selon lui, la flambée des prix est la conséquence de sanctions mal configurées. Ainsi, il explique :
« L’objectif devrait être de réduire de manière significative les revenus pétroliers russes, et non le volume. La réponse, du moins ma réponse, est que l’Occident impose un droit de douane élevé sur le pétrole russe. Aux prix actuels, je commencerais par un tarif d’au moins 50 $/b, les fonds collectés étant consacrés à l’aide humanitaire ukrainienne et à la reconstruction future. »
Cette solution pourrait forcer la Russie à augmenter les remises de prix que le pays accorde aux acheteurs continuant de s’approvisionner en pétrole russe. Ainsi, sans pénaliser les producteurs de pétrole russe, cela toucherait directement les recettes de Moscou.
Olexander Scherba, ancien ambassadeur d’Ukraine en Autriche et actuellement conseiller du PDG de Naftogaz, propose d’aller plus loin. Il soutient un embargo complet de l’UE sur le pétrole et le gaz russe mais aussi l’imposition de sanctions secondaire contre les exportations par les États-Unis. Il commente :
« Il faut utiliser tout ce qui peut nuire au [président russe] Poutine et limiter ces chiffres qui continuent malheureusement à grimper en flèche des revenus russes provenant du commerce du pétrole et du gaz. Pour nous, c’est une réponse simple, probablement pas aussi simple pour les États-Unis. »
Néanmoins, Olexander Scherba est conscient de la dépendance européenne vis-à-vis des hydrocarbures russes. Ainsi, il propose un plafonnement des transferts. Celui-ci serait ensuite levé, le jour où un embargo complet est possible. Ce plafond permettrait à l’Europe de s’approvisionner en hydrocarbures russes au prix contractuel. Toutefois, les paiements seraient majoritairement transférés vers des comptes séquestres. Il estime que cette solution permettrait de pénaliser la Russie tout en réduisant la pression sur les marchés pétroliers.
Une solution réellement efficace ?
Richard Morningstar, ancien ambassadeur américain auprès de l’UE et de l’Azerbaïdjan, s’interroge sur l’efficacité des solutions proposées. En outre, cela soulève des questions quant à la mise en œuvre et de l’application de ces dernières.
De fait, il explique que la solution tarifaire repose majoritairement sur la Russie. Celle-ci serait efficace si Moscou estime que la perte des revenus provenant d’Occident est trop importante pour son économie. De plus, il faudrait que les revenus issus des exportations vers l’Asie ne permettent pas le remplacement de ceux venant d’Occident.
Edward Chow reconnaît les limites de sa proposition. Il a conscience que celle-ci repose sur le fait que « la Russie est quelque peu raisonnable sur le plan économique, car elle a besoin de ces revenus et ne veut pas causer de dommages permanents à son industrie pétrolière ».
En outre, il explique que la chute de la production russe pourrait nuire à la capacité de récupération finale des réserves de pétrole du pays.
Vers des sanctions plus ciblées ?
Edward Chow commente :
« Aucune sanction secondaire ne sera nécessaire à l’encontre de pays comme l’Inde, la Chine ou la Turquie, puisque l’objectif n’est plus de stopper toutes les exportations de pétrole russe, ce qui porterait gravement atteinte à l’économie mondiale et mettrait à mal l’unité de l’alliance dans son soutien à l’Ukraine, mais l’objectif serait plutôt de priver autant que possible le gouvernement russe de la rente économique provenant des exportations de pétrole. »
Ainsi, il espère voir des sanctions pétrolières plus efficaces ou plus « intelligentes ». Rappelons que les sommets du G7 et de l’OTAN doivent se tenir à la fin du mois. Erik Woodhouse, secrétaire adjoint à la Division for Counter Threat Finance and Sanctions du State Department, rejoint Edward Chow. Il déclare :
« L’énergie est une question sensible…à l’échelle mondiale…c’est quelque chose que nous allons devoir travailler au fil du temps. »
Il affirme que les sanctions ont un réel impact. Par ailleurs, les États-Unis continueront à exercer une pression sur la Russie. Celle-ci passe par les sanctions mais aussi d’autres outils diplomatiques. Selon lui, la Russie devra prendre une décision face à l’ampleur de l’impact des sanctions sur l’économie du pays et face à l’isolement de la Russie sur la scène internationale.