Depuis la rupture d’un oléoduc en février 2024, le Soudan du Sud, dépendant à 90% de ses exportations pétrolières, connaît une crise économique aiguë. L’oléoduc, vital pour le transport de pétrole brut vers l’étranger, a été endommagé lors des conflits au Soudan, privant ainsi le pays de ses principales recettes en devises. Par ailleurs, l’approvisionnement en pétrole était déjà menacé en avril 2023 par le conflit actuel.
La conséquence immédiate a été une flambée de l’inflation, doublée de l’effondrement de la livre sud-soudanaise. En l’espace de quelques mois, le taux de change est passé de 1.100 livres pour un dollar en février à 1.550 en juillet, aggravant la situation économique de la population.
La vie quotidienne sous pression
Galiche Buwa, une veuve de 75 ans, peine à maintenir son épicerie à flot au marché Konyo-Konyo de Juba, la capitale. L’augmentation drastique des prix a réduit son pouvoir d’achat et l’a contrainte à s’endetter pour s’approvisionner. Cette situation se répercute sur les consommateurs, qui voient le prix de base des denrées alimentaires, comme le maïs, exploser de 800 à 2.000 livres en quelques mois.
Teddy Aweye, une mère de deux enfants, illustre bien la difficulté d’accès aux produits de première nécessité. Les fluctuations quotidiennes des prix contraignent de nombreux habitants à renoncer à des achats essentiels, aggravant ainsi l’insécurité alimentaire dans le pays.
Effets sur le secteur des petites entreprises
Abdulwahab Okwaki, un boucher de 61 ans, observe une baisse notable des ventes dans son commerce. Les clients, frappés par la crise, achètent de plus petites quantités de viande, et beaucoup de ses collègues ont déjà abandonné leur activité. Les petites entreprises, telles que celle d’Harriet Gune, une entrepreneuse dans le secteur de la mode, subissent également les contrecoups de cette crise. Les hausses de prix nécessaires pour maintenir les stocks éloignent les clients, créant un cercle vicieux d’augmentation des coûts et de baisse des ventes.
Répercussions sur les finances publiques
Les autorités gouvernementales ressentent également les effets de la crise. En mai, Awow Daniel Chuang, ministre des Finances, a alerté sur l’incapacité de l’État à payer les salaires des militaires, des policiers et des fonctionnaires, en raison d’un déficit budgétaire causé par la perte de 70% des revenus pétroliers. Cette situation expose davantage le pays à la corruption et à la mauvaise gestion des ressources, problèmes chroniques du Soudan du Sud.
Anticiper les crises futures
Le Soudan du Sud, indépendant depuis 2011, doit urgemment diversifier ses infrastructures énergétiques pour ne plus dépendre uniquement de l’oléoduc traversant le Soudan. Selon Abraham Maliet Mamer, économiste et conseiller gouvernemental, la construction de raffineries et de pipelines via d’autres pays pourrait offrir une solution durable à cette vulnérabilité économique. Il insiste sur l’importance d’anticiper les crises pour stabiliser l’économie et améliorer les conditions de vie des Sud-Soudanais.
Le conflit au Soudan, qui dure depuis avril 2023, a non seulement perturbé les infrastructures pétrolières mais a également déplacé des millions de personnes, dont plus de 700.000 réfugiés au Soudan du Sud. Cette crise humanitaire exacerbe encore la précarité économique et sociale du pays.