Le gestionnaire du Réseau de Transport d’Électricité (RTE) appelle à une mobilisation rapide en faveur de l’électrification des secteurs économiques français, afin de limiter la dépendance aux énergies fossiles importées et de renforcer la souveraineté énergétique du pays. Ce message figure dans son bilan prévisionnel 2025, destiné à orienter les décisions du gouvernement concernant la future programmation pluriannuelle de l’énergie.
Un déficit énergétique alimenté par les importations fossiles
Les importations d’hydrocarbures, principalement de gaz naturel et de pétrole, représentent chaque année entre EUR50bn et EUR70bn ($54bn-$76bn) de déficit commercial pour la France. Ce montant a atteint près de EUR120bn ($130bn) lors de la crise énergétique récente, selon RTE. Le rapport souligne qu’une électrification accrue des usages, en s’appuyant sur une électricité bas carbone d’origine nucléaire ou renouvelable, permettrait de réduire cette facture énergétique.
Le plan de décarbonation de la France prévoit une baisse de la part des hydrocarbures dans la consommation d’énergie de 60 % actuellement à 30-35 % d’ici 2035. Pour y parvenir, RTE recommande d’augmenter significativement l’usage de l’électricité dans les transports, l’industrie et le bâtiment, alors même que la France bénéficie déjà d’un mix électrique décarboné à 95 % et de prix de gros parmi les plus bas en Europe.
Un avantage structurel encore sous-exploité
Malgré ces atouts, le pays accumule du retard dans la conversion des usages à l’électricité. RTE estime que ce retard empêche une trajectoire de décarbonation dite « rapide » et pousse la France vers un scénario de transition lente, où les objectifs climatiques ne sont pas atteints et où la part de l’industrie manufacturière dans le produit intérieur brut recule.
Le directeur général Économie, stratégie et finances de RTE, Thomas Veyrenc, rappelle que cette démarche va au-delà des enjeux climatiques. Il y voit un impératif stratégique pour réduire la dépendance à des zones géopolitiquement instables comme la Russie ou le Moyen-Orient, et diminuer l’exposition aux prix du gaz et du pétrole sur les marchés internationaux.
Adaptation des prévisions et arbitrages politiques en cours
RTE a révisé à la baisse ses prévisions de consommation d’électricité à l’horizon 2035, d’environ 35 térawattheures (TWh) par rapport à ses projections de 2023. Ce réajustement tient compte de la conjoncture économique, du rythme ralenti de l’électrification et de l’impact durable des mesures de sobriété énergétique introduites depuis 2022.
La publication du bilan intervient alors que le gouvernement doit annoncer, d’ici la fin de l’année, une nouvelle stratégie d’électrification complémentaire à la feuille de route énergétique nationale. Ce calendrier a déjà subi plus de deux ans de retard, en raison de désaccords politiques sur la répartition entre nucléaire et énergies renouvelables.
RTE plaide pour une complémentarité des sources
Le président du directoire de RTE, Xavier Piechaczyk, appelle à éviter les oppositions entre filières. Il estime que le futur système énergétique français devra combiner les deux sources majeures, nucléaire et renouvelables, pour garantir sa stabilité. Dans le contexte actuel de surcapacité temporaire attendue jusqu’en 2028, RTE propose deux options : accélérer l’électrification de secteurs encore peu électrifiés, ou ralentir le rythme d’installation de nouveaux moyens de production renouvelable.
Toutefois, M. Piechaczyk avertit que cette seconde option, bien que techniquement envisageable, serait économiquement moins performante et pourrait fragiliser l’ensemble des filières industrielles engagées dans le développement des énergies renouvelables.