Gaz de schiste, dérégulation: les premières décisions du gouvernement conservateur de Liz Truss au Royaume-Uni suscitent des inquiétudes sur sa politique climatique, dans un pays qui ressent de plus
en plus les effets du réchauffement mais qui traverse une crise énergétique inédite.
Pressée d’agir face à la flambée des prix de l’énergie, la nouvelle Première ministre a entamé ses fonctions début septembre en annonçant accélérer l’exploitation de pétrole et de gaz en mer du Nord et geler le moratoire sur la fracturation hydraulique, une technique polluante d’extraction des hydrocarbures de schiste.
Cette pourfendeuse des impôts a aussi refusé de taxer les compagnies pétrolières, malgré les profits records qu’elles engrangent ces derniers mois.
Pour les défenseurs de l’environnement, la présentation la semaine dernière d’un projet de loi visant à modifier ou supprimer d’ici fin 2023 des centaines de lois de protection de l’environnement héritées de l’Union européenne a agi comme la goutte faisant déborder le vase.
“La nature est attaquée par une série de décisions dangereuses”, a accusé le directeur des Wildlife Trusts, Craig Bennett.
“Des protections légales vitales pour la nature sont en danger, l’extraction des énergies fossiles est
préférée aux énergies renouvelables et le gouvernement revient en arrière sur les avantages accordés aux agriculteurs qui travaillent de manière plus durable”.
– Economie contre climat –
La sécheresse qui dure depuis des mois dans certaines régions du Royaume-Uni, les records de température atteints cet été et les incendies provoqués par la chaleur ont frappé les esprits des Britanniques sur les conséquences à venir du changement climatique.
Le pays est l’un des pionniers en Europe dans la lutte pour le climat, avec une loi majeure datant de 2008 et une transformation rapide de son modèle énergétique, le charbon ne représentant plus que 3% de l’énergie consommée en 2020, contre 20% en 2013.
Très engagé dans la conférence sur le climat COP26 en 2021 en Ecosse, l’ancien Premier ministre Boris Johnson a promis de faire du Royaume-Uni l’Arabie saoudite de l’éolien et présenté d’ambitieux objectifs climatiques concernant par exemple la fin des véhicules essence et diesel.
Liz Truss, qui lui a succédé, n’a jamais été perçue comme particulièrement engagée sur le climat, affirmant ses réticences envers certaines mesures de soutien aux énergies renouvelables ou de protection de l’environnement.
Mais ses premières décisions ont dérouté même dans son propre camp.
“Le nouveau gouvernement ne doit pas écouter les sirènes qui appellent à revenir sur nos engagements environnementaux alors que les solutions aux multiples crises que nous traversons –climatique et coût de la vie– sont indissociables”, a plaidé Chris Skidmore, député conservateur et ancien secrétaire d’Etat à l’Energie.
Un groupe de parlementaires pro-environnement trans-partisan a également écrit à Liz Truss début septembre pour lui demander de se réengager fermement sur l’objectif de neutralité carbone.
Si elle s’est dite “complètement engagée pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050″, la Première ministre a toutefois décidé de “réexaminer” cet objectif pour s’assurer d’y parvenir “d’une manière favorable à l’activité économique et à la croissance”.
– “Déni climatique” –
Les doutes sur la future politique climatique du Royaume-Uni sont aussi alimentés par le choix de Liz Truss de nommer comme ministre de l’Energie Jacob Rees-Mogg, connu pour ses sorties à la limite du climato-scepticisme.
Opposant notoire à l’éolien terrestre, il a par le passé fustigé “l’alarmisme climatique” et a récemment accusé le président russe Vladimir Poutine d’avoir financé des opposants aux gaz de schiste au Royaume-Uni.
“Mettre en poste à l’Energie quelqu’un qui a récemment suggéré qu’il fallait extraire +chaque goutte de pétrole” de la mer du Nord est profondément inquiétant”, a attaqué Dave Timms, un responsable au Royaume-Uni de l’ONG Les Amis de la Terre, dans une déclaration transmise à l’AFP.
Cette nomination “laisse penser que les +tories+ (au pouvoir depuis 2010, NDLR) n’ont rien appris après des années d’incompétence”, a pointé Rebecca Newsom, de Greenpeace.
En face, le parti travailliste a pris cet enjeu climatique comme l’un des principaux angles d’attaques contre les conservateurs et peaufine son programme en vue des élections législatives, prévues au plus tard en 2025.
Dans son discours très attendu devant le congrès annuel de son parti, le chef du Labour Keir Starmer a ainsi dévoilé mardi un “plan pour une prospérité verte”, défendant le soutien à la croissance et à la lutte contre le changement climatique.