La bataille juridique opposant le groupe russe Rosatom aux entreprises finlandaises Fortum et Outokumpu connaît un nouveau rebondissement judiciaire majeur. Initialement prévue en juin, l’audience devant le tribunal arbitral de Moscou vient d’être reportée au 16 mars 2026, selon les documents officiels déposés auprès de la cour. Le litige porte sur une somme colossale de 227,8 milliards de roubles, soit environ 2,9 milliards de dollars américains. Rosatom exige réparation suite à la rupture du contrat EPC (Engineering, Procurement and Construction), signé en 2013, pour la construction de la centrale nucléaire finlandaise Hanhikivi-1.
Origines du conflit
Le projet de construction de la centrale nucléaire Hanhikivi-1, d’un coût estimé entre 6,5 et 7 milliards d’euros, avait été annulé en mai 2022 par les parties finlandaises, invoquant des retards persistants et des risques géopolitiques exacerbés par le contexte international. L’annulation est intervenue peu après le déclenchement du conflit en Ukraine, ce qui a ajouté un facteur géopolitique sensible au dossier. Depuis lors, Rosatom accuse les sociétés finlandaises d’avoir violé les accords contractuels et actionnariaux, entraînant ainsi des pertes financières importantes.
Outokumpu, spécialiste finlandais de la sidérurgie, affirme de son côté n’avoir jamais été partie prenante directe du contrat de construction, se dégageant ainsi de toute responsabilité contractuelle directe vis-à-vis de Rosatom. Quant à Fortum, principal acteur du secteur énergétique finlandais, l’entreprise soutient qu’une décision rendue précédemment par la Cour internationale d’arbitrage a déjà exclu sa responsabilité dans cette affaire, une position qu’elle entend maintenir tout au long des procédures judiciaires à venir.
Enjeux financiers et juridiques majeurs
Les montants financiers au cœur de ce litige sont considérables. Rosatom réclame près de 3 milliards de dollars américains en compensation des dommages subis suite à l’annulation du contrat. De leur côté, Fortum et d’autres parties associées au projet, notamment Fennovoima, tentent également de récupérer environ 1,7 milliard d’euros déjà investis en amont de la construction, désormais interrompue. Cette bataille juridique complexe s’étend au-delà des frontières russes, impliquant plusieurs instances arbitrales internationales, notamment la Chambre de commerce internationale (CCI).
Le report de l’audience pourrait avoir des implications importantes, ralentissant significativement le processus judiciaire en Russie tout en influençant le calendrier des arbitrages internationaux. Le tribunal arbitral de Moscou n’a pas détaillé les raisons spécifiques du report, mais ce délai supplémentaire pourrait permettre à toutes les parties de préparer plus soigneusement leurs arguments juridiques et financiers, étant donné l’ampleur et la complexité du dossier.
Répercussions potentielles pour le secteur
Au-delà du seul aspect juridique, l’issue de cette affaire pourrait influencer les futures relations commerciales et énergétiques entre la Russie et les pays européens, particulièrement dans le domaine nucléaire. Le secteur énergétique international suivra attentivement l’évolution de ce conflit, susceptible d’établir des précédents juridiques et contractuels en matière de grands projets nucléaires internationaux. De plus, ce différend pourrait avoir des conséquences indirectes sur les politiques énergétiques nationales, notamment en ce qui concerne les partenariats internationaux et la gestion du risque géopolitique dans les investissements énergétiques majeurs.
Le prolongement de ce dossier juridique pourrait donc amener les observateurs et les acteurs du secteur à réévaluer les termes et les conditions des futurs contrats d’envergure, notamment dans un contexte international incertain et mouvant.