La Commission européenne a proposé vendredi un retrait coordonné de l’UE et de ses 27 Etats de la Charte de l’Energie. Un traité international jugé trop protecteur des investissements dans les énergies fossiles, que plusieurs pays, dont la France, ont déjà annoncé vouloir quitter.
Retrait coordonné du Traité sur la Charte de l’Energie pour garantir l’égalité de traitement des investisseurs dans l’UE.
« Ce traité obsolète n’est pas aligné sur nos engagements climatiques (…) Il est temps pour l’Europe de s’en retirer, pour se concentrer sur la construction d’un système énergétique efficace qui promeut et protège les investissements dans les renouvelables », a souligné le vice-président de l’exécutif européen, Frans Timmermans.
La Commission propose que l’UE, de concert avec tous ses États membres et l’organisation Euratom (nucléaire civil européen) « se retirent du traité de manière coordonnée et ordonnée. Afin de garantir l’égalité de traitement des investisseurs dans l’ensemble de l’UE et au-delà ». Les Vingt-Sept devront se prononcer à la majorité qualifiée sur cette proposition.
Le Traité sur la Charte de l’Energie (TCE) a été signé en 1994. Au sortir de la Guerre froide, afin d’offrir des garanties aux investisseurs dans les pays d’Europe de l’Est et de l’ex-URSS. Réunissant l’UE et une cinquantaine de pays, il permet à des entreprises de réclamer, devant un tribunal d’arbitrage privé, des dédommagements à un État dont les décisions et l’environnement réglementaire affectent la rentabilité de leurs investissements – même lorsqu’il s’agit de politiques pro-climat.
Cas emblématique : l’Italie a été condamnée en 2022 à verser une compensation d’environ 200 millions d’euros à la compagnie pétrolière britannique Rockhopper pour lui avoir refusé un permis de forage offshore. L’énergéticien allemand RWE réclame pour sa part 1,4 milliard d’euros à La Haye. Afin de compenser ses pertes sur une centrale thermique affectée par une régulation néerlandaise anti-charbon.
Retrait coordonné de l’UE pour neutraliser les litiges et exclure les investissements dans les combustibles fossiles.
Face à la multiplication des contentieux, les Européens se sont d’abord efforcés de moderniser le texte pour empêcher les réclamations opportunistes. Et exclure progressivement les investissements dans les combustibles fossiles, mais ont échoué à l’automne dernier à s’entendre sur un compromis. Après l’Italie en 2015, plusieurs Etats de l’UE ont décidé fin 2022 de se retirer du traité (France, Espagne, Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg, Pologne…).
Ils restent cependant concernés par la « clause de survie » du TCE, qui protège encore pendant 20 ans, après le retrait d’un pays signataire, les installations d’énergies fossiles couvertes par le traité. Juristes et ONG estiment qu’un retrait coordonné des Européens permettrait de neutraliser en partie cette clause au sein de l’UE. Plusieurs pays, dont la Hongrie, plaidaient pour pouvoir rester membres d’un TCE « modernisé ». Mais pour la Commission, un retrait coordonné de l’UE et des Etats « est l’approche la plus adéquate juridiquement et politiquement ».