Les réserves pétrolières des Majors et des grandes compagnies internationales ont chuté de 25 % depuis 2015. Ce véritable effondrement s’explique par la baisse des prix du pétrole restreignant les investissements dans l’exploration pétrolière. Cette diminution des réserves a pour conséquence de modifier le rapport de force existant entre les Majors et l’OPEP. Surtout, elle peut entraîner un risque important en matière d’approvisionnement pétrolier et d’investissement dans la transition énergétique.
La chute des réserves pétrolières des Majors
Une baisse impressionnante
Le groupe Citibank vient de publier un rapport tout à fait inquiétant sur le niveau des réserves pétrolières des Majors. Celles-ci auraient diminué de 25 % depuis 2015 s’établissant à moins de 10 ans de production. Pour la première fois, les Majors n’ont plus à l’heure actuelle les ressources pour maintenir leur production après 2030.
Un groupe comme Total n’a ainsi plus que 10,5 années de réserves sur sa production. Il en va de même pour des groupes comme BP, Chevron, ConocoPhillips et ExxonMobil. Pour Repsol, Equinor et Shell, ce chiffre se situe même à des niveaux encore inférieurs autour de 8 années.
Une baisse liée à la chute des prix du pétrole
Cette baisse des réserves s’explique par la chute des prix du pétrole depuis 2015 et l’arrivée du pétrole non-conventionnel américain. Le prix du baril de Brent est ainsi passé de 96 dollars en 2014 à 50 dollars en 2015. Confrontées à une diminution de leurs profits, les Majors ont décidé de baisser leurs investissements dans l’exploration. Cela a résulté en une division par 2 des dépenses d’investissement dans ce secteur.
À quoi il faut ajouter la pression croissante des investisseurs en faveur des objectifs environnementaux (ESG). Beaucoup d’investisseurs estiment ainsi que l’exploration pétrolière risque de porter atteinte à l’accord de Paris et à l’objectif des 2°C. Ils se montrent également préoccupés par les risques d’actifs échoués (Stranded Assets) dans un contexte d’incertitude de la demande.
La baisse des réserves pétrolières des Majors accroît l’influence de l’OPEP
Un rapport complexe Majors/OPEP sur les réserves
La baisse des réserves pétrolières des Majors pourrait avoir des effets considérables sur les rapports de force sur les marchés. Ainsi, la disparition des réserves des grandes compagnies internationales offre à l’OPEP une opportunité pour accroitre son influence à l’avenir. Aujourd’hui, les compagnies nationales (NOC) détiennent près des 2/3 des réserves mondiales, dont 50 % pour les pays de l’OPEP. Autrement dit, l’organisation contrôle déjà quasiment la moitié des réserves dans le monde.
A contrario, les Majors ne représentent que 12 % des réserves mondiales et cette part est amenée à se réduire. Cependant, ce chiffre brut ne prend pas en compte le degré de prise de participation de ces Majors. Ainsi, ces dernières se trouvent souvent associées aux compagnies nationales pour exploiter du pétrole dans les pays de l’OPEP. L’influence des Majors est donc bien supérieure au chiffre de 12 % de contrôle des réserves.
Un rapport de force favorable à l’OPEP
Le déclin des réserves des Majors aura donc un impact bien plus important sur leurs relations avec les NOC. Ne possédant plus de réserves à proprement parler, elles se trouveront sous une dépendance complète des compagnies nationales. Privées de réserves, les Majors vont donc voire leur influence sérieusement diminuer sur les marchés pétroliers. Une autre difficulté reposera sur la qualité des réserves détenues.
Les NOC se retrouvent en effet détentrices de réserves facilement exploitables surtout au Moyen-Orient. À l’inverse, les Majors doivent investir dans des réserves potentiellement difficiles d’accès comme en Arctique ou en offshore. Autrement dit, le déséquilibre risque de s’accentuer dans les prochaines années encore en faveur des pays de l’OPEP. Leur NOC posséderont dès lors l’immense majorité des réserves à bas coût de la planète.
Baisse des réserves pétrolières des Majors : un risque énergétique majeur
Un risque pour l’offre pétrolière de long-terme
La baisse des réserves pétrolières des Majors créé donc un risque important de déséquilibre des marchés en faveur de l’OPEP. Mais ce déséquilibre pourrait bien engendrer des problèmes d’approvisionnement sur les marché pétroliers. En effet, les Majors possèdent encore directement près de 12 % des réserves. Sans investissement dans l’exploration, une partie non négligeable de la production pourrait ainsi disparaître.
Cette baisse des réserves est d’autant plus problématique que rien n’indique que la demande puisse baisser sensiblement dès 2030. Certes, la Chine s‘est fixée pour objectif un pic de ses émissions à partir de 2030. D’autres marchés émergents comme l’Inde ou l’Indonésie devraient cependant compenser le début d’affaiblissement de la demande chinoise. Dans ces conditions, les marchés pétroliers pourraient se retrouver en difficulté pour répondre à la demande créant des tensions inflationnistes.
Un risque pour la transition énergétique
À ces risques de faiblesse de l’offre pétrolière, la baisse des réserves menace également la rentabilité des Majors. Aujourd’hui, près de 80 % de leur cash-flow provient ainsi directement des opérations pétro-gazières. Citibank estime même que le déclin des réserves menacera près de 70 % des cash-flow dès 2030.
L’impact se fera sentir sur la transition énergétique avec une diminution des investissements des Majors. Rappelons que l’essentiel de leurs investissements bas-carbone se trouvent financés par les profits des opérations pétro-gazières (black pays for green). L’impact le plus lourd se fera sentir sur des technologies maîtrisées par les seules Majors comme la capture du CO2. Les compagnies pétro-gazières représentent ainsi près de 40 % du total des investissements dans ces technologies CCS.
En conséquence, le déclin des réserves pétrolières pourrait ralentir le développement de certaines technologies clés pour l’accord de Paris. Ce déclin représente également une évolution des marchés pétroliers en faveur des compagnies nationales, principalement celles de l’OPEP. La hausse récente des prix pourrait cependant favoriser le redémarrage de l’exploration pétrolière et ainsi reconstituer une partie des réserves.
Sources :
https://oilprice.com/Energy/Energy-General/Big-Oils-Dwindling-Reserves-Are-A-Major-Problem.html
https://www.theedgemarkets.com/article/reserves-oil-majors-fallen-25-2015-%E2%80%94-report
https://webstore.iea.org/download/direct/2935
https://fr.statista.com/statistiques/564926/prix-annuel-du-petrole-de-l-opep-1960/