L’annonce de l’Ukraine de ne pas renouveler l’accord de transit de gaz avec la Russie au-delà de 2024 reconfigure l’approvisionnement en gaz de l’Europe. Ce contrat signé en 2019, reliant Gazprom et les entreprises ukrainiennes Naftogaz et GTSOU, fixe des volumes minimaux de transit de gaz russe jusqu’au 31 décembre 2024. Avec l’arrêt de ce transit, les flux de gaz passant par l’Ukraine, déjà réduits de deux tiers depuis 2021, cessent totalement, obligeant les importateurs à diversifier leurs sources.
En 2023, le gaz acheminé via l’Ukraine représentait encore près de 50% des exportations totales de gaz russe vers l’Europe. Les infrastructures ukrainiennes ont joué un rôle clé pour les importateurs européens, mais la géopolitique et les efforts pour réduire la dépendance énergétique à la Russie modifient désormais cet équilibre. La fermeture de ce corridor va impacter principalement la Slovaquie, l’Autriche, l’Italie, et la Hongrie, qui utilisent encore largement ce gazoduc pour leur approvisionnement.
Adaptation des importateurs européens
La fin de ce transit contraint les pays européens à ajuster leurs approvisionnements. La Slovaquie, avec 69% de dépendance au gaz russe en 2023, doit envisager de nouvelles sources. L’Autriche, avec environ 60% de ses importations de gaz provenant de Russie, est dans une situation similaire. Ces pays, géographiquement dépendants des flux gaziers russes, sont confrontés à des choix stratégiques cruciaux pour sécuriser leurs besoins énergétiques.
Des alternatives sont déjà à l’étude. L’Italie, par exemple, se tourne vers l’Algérie pour renforcer ses importations de gaz naturel. Cependant, ces nouvelles sources nécessitent une adaptation des infrastructures existantes et la sécurisation de nouveaux contrats d’approvisionnement. En parallèle, l’Ukraine discute avec l’Azerbaïdjan pour acheminer du gaz azerbaïdjanais vers l’Europe via ses propres infrastructures. Cette option, si elle se concrétise, pourrait partiellement compenser le volume manquant de gaz russe, mais elle dépend de la capacité des parties prenantes à trouver un terrain d’entente.
Reconfiguration des routes gazières
Avec la fermeture de la route ukrainienne, d’autres itinéraires d’approvisionnement prennent de l’importance. Le gazoduc TurkStream, qui relie la Russie à la Turquie et se prolonge vers la Bulgarie, la Serbie et la Hongrie, devient une option privilégiée. Néanmoins, sa capacité actuelle reste limitée et nécessite des investissements pour accroître les flux. La stratégie de la Russie, centrée sur la création d’un hub gazier en Turquie, vise à sécuriser ses parts de marché tout en contournant l’Ukraine.
Gazprom, déjà affecté par la réduction des importations européennes, anticipe une baisse supplémentaire de ses revenus, estimée à 5 milliards d’euros annuels. Cette perte, représentant environ 6% de son chiffre d’affaires, incite l’entreprise à revoir ses orientations stratégiques. La baisse des volumes exportés via l’Ukraine accentue la pression sur le marché européen pour sécuriser de nouvelles sources d’énergie, loin de l’influence russe.
Enjeux financiers pour Kiev et Gazprom
Pour l’Ukraine, la fin du transit représente une perte de revenus significative, estimée à 720 millions d’euros par an, affectant les finances publiques et les investissements dans le secteur gazier. Le transit de gaz constituait une source importante de financement pour l’entretien des infrastructures nationales, désormais en quête de nouvelles ressources pour leur maintenance.
Le contexte géopolitique impose aux acteurs de l’énergie d’ajuster leurs stratégies. Tandis que l’Europe cherche à réduire sa dépendance aux hydrocarbures russes, la Russie réoriente ses exportations vers de nouveaux marchés, notamment en Asie. Les ajustements nécessaires dans le secteur gazier européen pourraient accélérer le recours à des contrats de long terme avec de nouveaux fournisseurs et renforcer la résilience énergétique face aux turbulences géopolitiques.